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Canada : Bioéthique - La grande dame de l'éthique propose "un voyage aux limites des valeurs qui nous divisent"

Il faut conserver aux nouvelles sciences leur "contexte moral"

"Sur une planète où la science évolue à un rythme accéléré et où les sociétés se côtoient davantage dans toute leur diversité, des règles communes en matière d'éthique font surface. Il importerait d'en arriver à cette solution pour harmoniser les rapports humains dans un contexte où les avancées technologiques remettent en cause des valeurs fondamentales. Les éthiciens brassent la cage et invitent les sociétés à s'interroger sur des problèmes contemporains majeurs."

"Margaret Somerville fait partie du monde de l'éthique, dont elle est une personnalité reconnue sur la scène nationale et internationale. Elle enseigne à la faculté de médecine de l'université McGill; elle a aussi fondé et dirige toujours le McGill Center for Medicine, Ethics et Law du même établissement, tout en ayant le titre de Samuel Gale Professor of Law.

Elle situe la problématique globale de la bioéthique, un domaine en pleine expansion dont elle est devenue une spécialiste, dans un monde où la science et les technologies médicales n'ont de cesse d'évoluer à grands pas: 'Je commence à penser ou je crois vraiment que le problème majeur est associé à plusieurs de nos réalités, ce qui inclut particulièrement les nouvelles sciences, auxquelles il faut conserver ce que j'appellerais leur contexte moral.' Elle en veut pour preuve l'avortement, qui a été dissocié de tout cet environnement moral."

Éthique et respect de l'humain


"Au sujet de l'avancement de la science, elle croit que cet aspect moral est en train de se perdre: 'En ce moment, on assiste à cette décision majeure, qui a été prise récemment en Angleterre, de croiser des embryons animaux avec des embryons humains. Si on examine cette question sous un angle purement scientifique, c'est enthousiasmant, et on pourrait découvrir une tonne de nouvelles choses; on pourrait par exemple faire des progrès incroyables concernant des pathologies redoutables. S'il n'en tient qu'à cela, alors, allons-y!'

Elle émet toutefois une sérieuse réserve: 'Je pense qu'on a négligé de réfléchir sérieusement à l'aspect moral de ce croisement entre les deux types d'embryons. On ne s'est pas arrêté à ce qu'il y a de spécial à être une personne humaine, à ce que nécessite le respect de l'être humain par rapport à l'espèce animale, malgré toute la considération que j'ai envers les animaux. Alors, quand on perd cette approche morale autour de cette science en émergence, il devient très difficile de poser des limites sur celle-ci et il est certainement encore plus difficile d'y arriver d'un point de vue éthique.'

Elle enchaîne en abordant le problème sous cet aspect: 'Ce n'est pas parce qu'on n'est pas religieux qu'on ne doit pas rechercher le sens moral et éthique de ce qu'on fait; dans le cas contraire, on va finir par exister dans un monde où une personne raisonnable ne voudrait pas vivre.' Voilà ce qui l'inquiète davantage, et elle a déjà couché ses idées à ce sujet dans deux ouvrages. Elle formule cette proposition: 'Essayons d'en arriver à produire ce que j'appelle une éthique partagée. Maintenant, je voudrais être très claire à ce sujet: je ne veux absolument pas dire que tout le monde doit donner son consentement pour tout. À tout le moins, essayons d'obtenir l'accord du plus grand nombre de personnes possible, de faire l'effort d'en arriver là pour, premièrement, intéresser le plus grand nombre de gens à l'importance de l'éthique.'

Elle poursuit dans la même veine: 'Deuxièmement, cela importe non seulement dans l'immédiat, ce qui serait du pur pragmatisme, mais il faut penser à ce que sont nos obligations pour préserver notre humanisme, la vie humaine et plus particulièrement celle-ci. Si on autorise le croisement des embryons humains et des embryons animaux maintenant, dans cinq générations où en serons-nous rendus?' L'éthicienne se montre vraiment passionnée par toute cette problématique.

À la suite de quoi, Mme Somerville repère certains centres d'intérêt actuels et futurs en matière d'éthique. Au nombre de ceux-ci figure la 'reprogénétique', qui est la combinaison entre la technologie de reproduction, la biologie moléculaire et la génétique: 'Il y a là un gigantesque défi à relever.' Les nanotechnologies et le bioterrorisme, sur lequel elle prononcera une conférence en Suède après le congrès de Vancouver, entrent aussi dans le champ des préoccupations futures."

Les défis et le congrès

"Après avoir rappelé que les transplantations d'organes représentaient le sujet de l'heure dans le domaine de l'éthique dans les années 1970, elle se penche maintenant sur le futur qui se pointe déjà: 'On devra se tourner à nouveau du côté de la reconnaissance de certaines choses pour lesquelles on n'a pas réglé le volet éthique dans le passé. À ce titre, le meilleur exemple est celui de l'euthanasie; il n'y a rien de nouveau à ce propos, dans le sens qu'on aurait toujours pu la pratiquer.'

Le débat refait surface à ce sujet, non pas à cause des progrès scientifiques mais parce que les valeurs des gens ont changé au sujet de cette épineuse question. Quant aux autres défis rencontrés en éthique, ils reposent essentiellement sur les avancées scientifiques en présence, selon cette dernière. Entre autres, les progrès dans le domaine de la génétique pourraient élargir le fossé, qui est déjà énorme, entre riches et pauvres.

Margaret Somerville se tourne par la suite vers le congrès de Vancouver, qui lui fournira l'occasion d'entretenir ses collègues en matière d'éthique en milieu universitaire et dans la société en général. Sa conférence porte le titre imagé de 'Bird On An Ethics Wire'. Margaret Somerville définit le thème de son discours: 'Il sera question de l'éthique par-delà les frontières : un voyage aux limites des valeurs qui nous divisent. Quand je prononce une conférence, dans un premier temps je parle des valeurs de la société. Je me suis arrêtée et j'ai réfléchi aux frontières, aux idées et aux valeurs dont j'allais parler.'

Elle explique l'image de l'oiseau sur un fil accompagné de quelques congénères: 'Cet oiseau, regardant complètement dans une autre direction que les autres, se situe à contre-courant de ceux-ci, qui semblent se complaire dans cette situation. Ces derniers lui demandent: Est-ce qu'on peut en discuter ? Je m'associe de très près avec l'oiseau qui tourne le dos aux autres, parce que je sens souvent que c'est ce que je fais.'

Elle en fournit un exemple: 'Récemment, j'ai accepté une invitation pour laquelle on s'était entendu sur tous les détails et, à trois occasions, j'ai été contrainte d'annuler ma participation. Et, dans ce cas, il m'a été demandé de me prononcer clairement contre l'avortement. J'ai donc refusé d'intervenir.' En d'autres circonstances, elle présume avoir été évincée d'une importante tribune à cause de sa vision différente des choses. Là où elle travaille, à McGill, elle a vécu différents incidents, dont l'un d'eux s'est produit il n'y a pas longtemps : elle s'est retrouvée encore une fois dans l'impossibilité de parler d'avortement dans une salle de cours. Elle s'indigne d'un tel geste en milieu universitaire.

Finalement, Mme Somerville abordera deux autres sujets devant les participants au congrès de Vancouver : il sera question des droits humains des enfants et des changements climatiques, dans une optique d'éthique."

"'Bird On An Ethics Wire' sera présenté le mardi 3 juin, de 12h55 à 13h20, au Hebb Theatre. Une discussion animée par des experts suivra la présentation."

Source :
http://www.ledevoir.com

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