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Sénat : rapport de M. Alain Claeys, député, sur les recherches sur le fonctionnement des cellules vivantes (décembre 2006)

En décembre 2006, l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques au Sénat a examiné le rapport de M. Alain Claeys, député, sur les recherches sur le fonctionnement des cellules vivantes.



"M. Alain Claeys, député, rapporteur, après avoir noté le caractère complexe de cette question, a exposé la méthodologie suivie pour la préparation du rapport.

Une journée d'auditions publiques a été organisée en novembre 2005 avec des chercheurs français travaillant sur les cellules souches adultes et les cellules souches embryonnaires humaines. Par dérogation à ses usages, l'Office a accepté que le compte rendu de cette journée soit publié avant même l'adoption du rapport, de manière à rassurer les chercheurs, qui avaient été troublés par l''affaire Hwang'.

Les ministres chargés de la santé et de la recherche et un grand nombre de chercheurs ont été auditionnés par le rapporteur, qui a également conduit des missions au Japon et en Corée, pendant l''affaire Hwang', aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne, à l'Office européen des brevets (O.E.B.) de Munich, ainsi qu'à Bruxelles.

Les recommandations du rapport touchant à d'éventuelles modifications de la loi de 2004 relative à la bioéthique pourront être examinées lors de l'évaluation de cette loi par l'Office et l'Agence de la biomédecine.

M. Alain Claeys, député, rapporteur, a ensuite souligné la pleine actualité de son rapport, compte tenu des toutes récentes et très positives déclarations du Président de la République en faveur du Téléthon.

Il a indiqué que son étude n'abordait pas, conformément à la lettre de saisine, le très sérieux problème éthique de l'origine de la vie, lequel dépend de la conviction intime de chacun, et non du législateur.

Trois principes, qui recueillent un très large assentiment, doivent être conciliés :

- la liberté du chercheur, qui doit savoir quelles limites la société entend fixer à son activité ;

- les droits des malades et des personnes handicapées à voir atténuer leurs souffrances et accroître leurs espoirs de guérison ;

- le respect de la personne et du corps humain.

Le rapporteur a considéré que l'opinion publique oscille en permanence entre la fascination, car la santé dépend des progrès scientifiques, et la méfiance, due aux crises récentes qui ont secoué la recherche en ce domaine. Face à cette situation, il faut favoriser le développement de la culture scientifique. Mais la science avance lentement, produit peu de personnalités médiatiques, engendre des doutes et des critiques et est soumise aux faits, alors que la presse a, elle, tendance à annoncer des découvertes et des remèdes pour tout de suite. Cette contradiction est durement ressentie par les malades quand les espoirs suscités se révèlent infondés. Il est donc irresponsable de dire des choses contraires à la réalité et il faut dire la vérité.

Abordant la question des thérapies génique et cellulaire, le rapporteur a relevé que le décryptage du génome humain, réalisé entre 1990 à 2003, a permis de mieux connaître les gènes et leurs liaisons avec les affections héréditaires. Cela a conduit au concept de thérapie génique, qui correspond à l'introduction d'un gène fonctionnel dans les cellules d'un organisme. Le grand enthousiasme du début n'a pas été suivi de bénéfices importants pour les patients, car on n'a pas élucidé la fonction des gènes et on a découvert l'importance de leur environnement, l'épigénétique.

Un certain nombre de difficultés sont apparues, liées notamment au ciblage des cellules malades ou à la régulation des gènes introduits. Mais la thérapie génique n'est pas une impasse, comme le montre la réussite, malgré trois échecs, du traitement du syndrome de l'immunodéficience acquise (syndrome des 'bébés bulles') par M. Alain Fischer et Mme Marina Cavazzana-Calvo. Les efforts de recherche doivent donc être poursuivis.

La thérapie cellulaire, quant à elle, vise à implanter chez un malade des cellules qui vont recréer, en se diversifiant, les organes ou les fonctions lésés.

M. Alain Claeys, député, rapporteur, a insisté sur le fait que le rapport traite à la fois des cellules souches adultes et embryonnaires. Les recherches sur ces deux types de cellules doivent être poursuivies en parallèle, les cellules souches adultes ne posant cependant pas les mêmes problèmes éthiques que les cellules souches embryonnaires. Il y a encore beaucoup de recherche fondamentale à effectuer dans ce domaine, notamment sur l'isolement des cellules souches, leur purification, leur culture et leur différenciation.

Le rapporteur a ensuite abordé l'état de la recherche dans le monde.

La situation des pays européens est très diverse. Trois pays (Grande-Bretagne, Suède et Belgique) autorisent la transposition nucléaire, alors que d'autres soit interdisent toute recherche en la matière (Autriche, Pologne, Irlande), soit sont dépourvus de toute législation (Malte, Chypre, Estonie).

La Grande-Bretagne est l'un des pays les plus actifs dans ce domaine grâce à la souplesse de sa législation et à l'efficacité de son autorité de régulation en matière d'éthique et de protocoles de recherches. Cette Autorité, parfois critiquée comme trop tatillonne, vient de lancer une consultation publique sur le don d'ovocyte.

La Suède, quant à elle, est l'un des premiers pays d'Europe à avoir autorisé, dès 1991, la recherche sur les ovocytes humains fécondés.

Cette disparité en Europe a suscité des difficultés lors de l'élaboration du 7e Programme cadre de recherche et de développement (P.C.R.D.), car certains pays nouvellement entrés dans l'Union européenne sont hostiles aux cellules souches embryonnaires humaines. Un accord a néanmoins pu être trouvé.

Aux Etats-Unis, ne sont interdits ni le clonage reproductif humain ni la transposition nucléaire. Par contre, les fonds fédéraux ne peuvent pas financer la recherche impliquant la création ou la destruction d'embryons humains. La décision du président Bush du 9 août 2001 a limité la possibilité de financement fédéral aux lignées de cellules souches embryonnaires existant à cette date. Mais celles-ci posent des problèmes, notamment de dégénérescence génomique.

Une récente tentative, bipartisane, du Sénat d'élargir les possibilités de financement fédéral des cellules souches embryonnaires s'est heurtée au veto du Président Bush le 19 juillet 2006.

Les fonds privés peuvent financer tous les types de recherches qui commencent également à être soutenus par un certain nombre d'Etats. Tel est le cas, emblématique, de la Californie qui va, suite au vote le 2 novembre 2004 de la Proposition 71, consacrer à ces recherches 3 milliards de dollars sur dix ans. Cet Etat deviendra très attractif pour un grand nombre de chercheurs américains qui auraient pu être tentés de s'expatrier en Asie.

L'Asie est le continent où la recherche sur les cellules souches embryonnaires pourrait connaître des succès importants dans l'avenir. Les biotechnologies et les techniques médicales sont en effet au coeur de la stratégie de développement de beaucoup de pays, et ils pourraient bénéficier des réticences européennes et américaines. Ils disposent également de scientifiques d'un excellent niveau.

Singapour fait preuve d'une politique très volontariste, avec des investissements très importants dans la recherche publique et privée. L'objectif est d'attirer les scientifiques de renom international par d'excellentes conditions de travail, ainsi que les investissements étrangers.

Le Japon a développé une recherche publique dynamique, en concentrant ses moyens dans la région de Kyoto. La transposition nucléaire est autorisée, mais aucune équipe n'y travaille.

La Corée du sud a été, l'année dernière, au coeur de l'actualité avec l' 'affaire Hwang', qui a été une gigantesque supercherie.

Abordant la situation de la France, M. Alain Claeys, député, rapporteur, a rappelé que la loi de bioéthique de 2004 avait été discutée sous deux législatures à majorité différente.

Les recommandations concernant les propositions de modification de la loi de 2004 relative à la bioéthique devront être examinées par l'Office et par l'Agence de la biomédecine lors de l'évaluation de cette loi.

Après avoir souligné qu'on ne devrait pas attendre 2009 pour réviser la loi, il a évoqué différentes questions.

- La Convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'Homme et la biomédecine, dite Convention d'Oviedo

Deux stipulations de cette Convention, adoptée le 19 novembre 1996, doivent être précisées avant que la France puisse ratifier ce texte. L'une, au deuxième alinéa de l'article 18, prévoyant que 'la constitution d'embryons humains aux fins de recherche est interdite', pourrait être considérée comme interdisant la transposition nucléaire. L'autre, à l'article 1er du Protocole additionnel de cette Convention, prévoit que le clonage d'un être humain est interdit. L'interprétation des Pays-Bas, considérant le terme 'être humain' comme se référant exclusivement à un individu humain non né, doit, selon le rapporteur, être adoptée.

- L'article 25 de la loi relative à la bioéthique

Un apport positif de la deuxième lecture de cette loi a été la création de l'Agence de la biomédecine, qui répond aux exigences éthiques d'encadrement des recherches sur le vivant. Cette agence a fait la preuve de son efficacité sous la direction de Mme Carine Camby.

Par contre, les modalités de la recherche sur les embryons adoptées en première lecture en janvier 2002 étaient plus satisfaisantes que celles prévues par le texte final de la loi.

Le texte de 2002 autorisait en effet la recherche sur l'embryon à partir d'embryons surnuméraires issus d'un processus de fécondation in vitro, sous réserve de l'abandon du projet parental et de la non-réimplantation. Ces embryons étaient, auparavant, voués à la destruction.

Les dispositions de la loi sont ambiguës, car elles interdisent la recherche sur l'embryon, tout en prévoyant des possibilités de dérogation pendant une période de cinq ans. Une dérogation n'est possible que lorsque les recherches sont susceptibles de 'permettre des progrès thérapeutiques majeurs et à condition de ne pouvoir être poursuivies par une méthode alternative d'efficacité comparable'.

Il est nécessaire d'avoir des dispositions plus claires et moins complexes car il n'est pas possible de prévoir les applications thérapeutiques dès le stade de la recherche fondamentale.

Le rapporteur a conclu cette partie de son exposé en se félicitant de l'évolution des esprits sur ce point.

- La transposition nucléaire et le don d'ovocytes

L'expression 'clonage thérapeutique' a été bannie car elle est trompeuse. Ses adversaires mettent l'accent sur clonage, cette technique étant alors assimilée au clonage reproductif que personne de sensé ne défend. Ses partisans insistent sur thérapeutique, ce qui pourrait faire croire qu'elle est prête à guérir des maladies aujourd'hui encore incurables. En fait, on ne sait pas encore s'il sera possible de l'utiliser et si elle donnera les résultats escomptés.

Ce n'est pas une technique neutre, car elle pose le problème du don d'ovocytes.

M. Alain Claeys, député, rapporteur, a alors souligné combien il avait été frappé, lors de sa mission aux Etats-Unis, par les publicités des journaux d'universités et par les sites Internet offrant d'acheter les ovocytes des étudiantes pour des fécondations in vitro.

Il a exprimé sa crainte que cette marchandisation ne se développe. Il faut donc ouvrir un débat public sur cette question, qui devrait proposer à la discussion les principes suivants : interdiction à une mineure de faire un tel don, consentement préalable et éclairé, gratuité du don (interdiction de la rémunération), remboursement des frais occasionnés pour effectuer le don, compensation des salaires non perçus, suivi médical post don remboursé à 100 pour cent, recueil des ovocytes uniquement dans des centres publics, séparation totale des centres de recueil et des laboratoires de recherches et anonymat total des donneuses pour les laboratoires de recherches.

- La faiblesse des moyens humains et financiers en France

La France accuse un retard important dans ce domaine. L'Etat doit donc afficher ses priorités en matière de recherche sur les cellules souches adultes et embryonnaires à travers les appels d'offres de l'Agence nationale de la recherche (A.N.R.).

La presse traite beaucoup plus souvent des cellules souches embryonnaires que des cellules souches adultes mais, comme dans tous les pays, il y a, en France, beaucoup plus d'équipes engagées sur celles-ci que sur celles-là.

- Les publications scientifiques

Les affaires 'Hwang' et 'Lanza' ont attiré l'attention sur les publications scientifiques, qui sont en nombre très important : environ 200 000 publiant 25 millions d'articles. Ces entreprises privées sont engagées dans une très forte concurrence, qui s'est aggravée avec l'apparition de publications électroniques sur Internet. Elles sont parfois tentées d' 'accélérer' le processus de relecture afin de bénéficier d'une publication plus rapide, au risque de ne pas détecter des anomalies.

Ces revues constituent les sources essentielles de la presse généraliste. Des publications insuffisamment contrôlées entraînent ainsi la propagation d'erreurs. Cela a été le cas dans ces deux affaires.

Le rapporteur a émis la suggestion que chaque auteur, en cas de copublication d'un article, indique sa part réelle dans le travail publié.

Au niveau des politiques publiques, il a recommandé que tout chercheur convaincu de fraude scientifique soit définitivement exclu du bénéfice de subventions publiques, nationales ou européennes.

- La brevetabilité et la marchandisation du vivant

Les brevets facilitent l'innovation et la diffusion de la connaissance. Il a rappelé qu'il s'était déjà opposé au fait de breveter le gène et son application, ce qui revient à breveter la connaissance, et qu'il était partisan de n'autoriser que les brevets d'application.

Les mêmes difficultés se retrouvent avec les cellules souches où les brevets de l'Université du Wisconsin dominent tout ce domaine. L'Office européen des brevets (O.E.B.) ne délivre pas de brevet sur les lignées de cellules souches embryonnaires, sa grande chambre de recours étant actuellement saisie de cette affaire.

Après avoir évoqué le caractère confus de l'avis du Comité consultatif national d'éthique (C.C.N.E.) sur 'La commercialisation des cellules souches et autres lignées cellulaires', il a recommandé qu'on ne puisse pas breveter les cellules souches, éléments du corps humain, mais uniquement les produits d'application.

- Les défis sociaux et économiques

Avant d'y être contraint par l'avancée de la science, il faut réfléchir aux défis sociaux et notamment :

- qui seront les bénéficiaires éventuels de ce type de médecine ?

- quelles seront les modalités de financement d'un traitement par thérapie cellulaire ?

- les éventuelles futures thérapies cellulaires, traitements strictement individualisés, ne risquent-elles pas d'entraîner une logique d'assurance individuelle ?

Economiquement, la génomique avait permis aux start up de drainer des sommes considérables. Les cellules souches ne sont financées que par les fonds publics et les associations de malades. Il est compréhensible que celles-ci recherchent des résultats immédiats, mais cela ne doit pas entraîner des relations ambiguës avec les pouvoirs publics."

Source :
http://www.senat.fr

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