A lire absolument : "A la lumière du crépuscule. Témoignages et
réflexions sur la fin de vie", par Jean Léonetti, éditions Michalon,
novembre 2008. (lien Amazon.fr)
Le Docteur Jean Léonetti, cardiologue, maire d'Antibes et député, est l'auteur de la loi sur le droit des malades et la fin de vie, dite loi Léonetti, d'avril 2005. Entre mars et octobre 2008, Jean Léonetti a conduit une mission d'évaluation de la loi dont il est l'auteur, et qui fut votée à l'unanimité par les députés et sénateurs en 2005. Or la mort, habituellement, ne fait pas consensus. N'avons-nous pas chacun une vision différente de notre mort ? On choisit bien sa vie, et on voudrait choisir sa mort comme on a choisi sa vie. Comment se fait-il qu'un projet de loi sur un sujet si peu consensuel ait pu faire l'unanimité au moment de son vote ? A l’heure où la mission d’évaluation de la loi Léonetti vient de s’achever, sans pour autant enterrer le débat (la loi doit-elle évoluer par la suite en incluant la notion d’"exception d’euthanasie", pour répondre à des cas - distincts - comme celui d’un Vincent Humbert ou d’une Chantal Sébire, ce qu’elle a décidé de ne pas faire pour le moment ?), il est clair que les questions concernant la fin de vie ne font consensus ni au sein des équipes soignantes, ni parmi les usagers de la santé. Le livre de Léonetti, ce sont des impressions sur quelques uns (les plus marquants) des très nombreux témoignages auditionnés à l'Assemblée Nationale dans le cadre du projet d'évaluation de la loi Léonetti - ces auditions peuvent être visionnées en ligne, dont celle de Marie Humbert, mère de Vincent Humbert :
http://www.assemblee-nationale.fr/13/commissions/droits_malades/index.asp
Le député socialiste Gaëtan Gorce, qui a participé à la mission d'évaluation de la loi Léonetti sur les droits des malades et la fin de vie, regrette que la démarche de la mission sur la fin de vie "ne soit pas plus aboutie". Le député "veut aller plus loin. Il préconise la mise en place d'une 'euthanasie d'exception', pour préparer la société à la dépénalisation du droit à mourir." Or dans son rapport remis au gouvernement début décembre 2008, Leonetti "refuse une nouvelle législation sur la fin de vie". Les dix propositions du rapport, que Gaëtan Gorce soutient, permettent d'"améliorer une loi méconnue et efficace pour la plupart des cas. Par exemple, la possibilité pour les équipes soignantes, la famille et le patient, de faire appel à un référent spécialiste des soins palliatifs, en cas de difficulté médicale particulière". Mais selon M. Gorce, "la législation existante ne répond pas à toutes les situations. Ainsi, certaines personnes sont livrées à elles-mêmes, et transgressent la loi. Certes, le malade peut mettre fin à ses jours de lui-même, mais c'est une issue violente sur tous les plans." Ceci fait référence au cas - récent - de Chantal Sébire.
Soulignons le conflit entre Mme Marie Humbert et le Dr. Léonetti, qui écrit ce que l'on pourrait appeler une lettre ouverte à Marie Humbert, dont l'association "Faut qu'on s'active !" "porte le combat militant" : [p. 110: ]
"Elle [Marie Humbert] veut une 'loi Vincent Humbert', qui dise que ce qu'elle a fait est bien. L'association qui porte son combat militant se nomme 'Faut qu'on s'active !'. Le terme serait presque indécent s'il ne traduisait pas la réelle souffrance d'une mère que les circonstances ont amené à tuer son enfant".
Jean Léonetti achève son livre sur une "Lettre à un ami partisan de l'euthanasie", dont on comprend qu'il peut s'agir, là aussi, d'une lettre ouverte à Marie Humbert [p. 137 : ]:
"Je te rencontre souvent sous les traits d'une femme (...). Tu m'as quelquefois agressé en me reprochant de n'être pas allé assez loin. (...). J'ai bien noté par ailleurs que tu n'as plus ce mépris pour les acteurs des soins palliatifs que tu considérais il y a peu de temps encore comme des personnes qui n'avaient d'autre utilité que de tenir la main des mourants d'une manière infantile et vaine. Tant mieux, j'ai cependant la conviction que vous suivez des chemins différents sinon opposés."
© Editions Michalon.
Doit-on inscrire la compassion dans la loi ? Marie Humbert fut-elle la seule à entendre la demande de mort de son fils, tandis que les équipes soignantes auraient refoulé cette demande, impossible à entendre pour eux, du fait de l'existence de tous les Vincent Humbert qu'ils ont déjà soigné et/ou soignent encore - ces Vincent Humbert qui avaient eux aussi réclamé la mort, mais entre temps, finalement, changé d'avis ? "La mort tue ta liberté de changer d'avis", écrit Léonetti dans sa conclusion qui semble s'adresser à Marie Humbert et à son fils Vincent [p. 135].
Ce livre est là pour que nous partagions un peu du vécu des équipes soignantes, des patients, des proches de patients : de cruels affrontements, des perspectives équivoques, une éprouvante "morale du doute". Il nous fait entrer dans le vif du débat, excusez du peu...
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