"A la une du Quotidien du Médecin du 28/08/2008 : "Des cellules souches superstars": Moins d'un an après l'obtention de la première lignée humaine de cellules souches pluripotentes induites (SPi), les publications pleuvent. Ont été obtenues 21 lignées associées à 11 maladies humaines : SLA, diabète de type 1, Parkinson, Huntington, trisomie 21, immunodéficience combinée sévère, syndrome de Lesch-Nylhan, maladie de Gaucher, syndrome de Shwachman-Bodian-Diamond, dystrophies musculaires de Duchenne et de Becker. Une équipe d'Harvard, qui a obtenu à elle seule 20 de ces lignées (10 maladies), constitue une banque d'accès libre et gratuite."
Déjà 21 lignées associées à des maladies humaines
"Harvard place ses cellules souches pluripotentes induites en banque"
"La méthode aura émergé à une vitesse fulgurante : moins d'un an après l'obtention de la première lignée humaine de cellules souches pluripotentes induites, ces cellules semblables aux cellules embryonnaires, les publications pleuvent et il faut déjà songer à leur créer une banque de stockage spécifique."
[NB : les cellules souches pluripotentes induites sont des cellules souches obtenues à partir de cellules adultes, et non à partir de cellules de l'embryon, ce qui peut poser des problèmes d'éthique. Les cellules souches adultes ne posent, quant à elles, pas de problèmes d'éthique, tout en ayant les mêmes propriétés que les cellules souches embryonnaires, ndlr.].
"James Thomson a dirigé l'équipe qui a délivré la première lignée de cellules SE humaines, et l'une des deux premières lignées de cellules SPi humaines (UW Madison university communications).(...)
Aujourd'hui, l'institut de recherche sur les cellules souches de l'université d'Harvard vient d'annoncer la création d'un nouveau laboratoire qui leur sera dédié : en l'espace de quelques mois, les cellules souches pluripotentes induites sont devenues les nouvelles stars de la recherche biomédicale.
Tout a démarré en 2006 lorsque Yamanaka a découvert qu'il suffisait d'introduire quatre gènes dans des cellules cutanées de souris pour obtenir leur 'reprogrammation' en cellules semblables à des cellules souches embryonnaires (SE). Les cellules souches pluripotentes induites (SPi, ou iPS pour 'induced pluripotent stem cells') sont en effet capables de se multiplier à l'infini et se différencier en n'importe quel type de cellules de l'organisme, comme les cellules souches de l'embryon. Elles présentent en outre un gros intérêt : alors que la production des cellules SE nécessite un embryon, une simple biopsie cutanée suffit à celle des cellules SPi.
Dès lors, nul n'a besoin d'être expert pour entrevoir les immenses possibilités offertes par ces nouvelles cellules pluripotentes, tant du point de vue du chercheur qui s'intéresse au développement normal et pathologique, que de celui du laboratoire pharmaceutique en quête de modèles cellulaires facilitant le criblage des chimiothèques, ou encore de celui du patient atteint d'une maladie dégénérative.
Mais pour que le développement de toutes ses applications devienne envisageable, la fabuleuse découverte du chercheur japonais devait d'abord être adaptée aux cellules humaines. Sachant que 17 années de labeur se sont écoulées entre l'obtention de la première lignée de cellules SE murines et celle de la première lignée de leur équivalent humain, le défi n'était pas gagné d'avance.
Pourtant, il aura fallu seulement quinze mois pour adapter la méthode et obtenir les deux premières lignées de cellules SPi humaines (voir chronologie).
Les deux protocoles publiés fin novembre 2007 par les équipes de Yamanaka et de Thomson sont robustes et ont pu être reproduits par de nombreuses équipes indépendantes. Ils présentent toutefois des particularités qui rendent les cellules iPS actuelles totalement inutilisables en clinique (voir encadré). Ils permettent cependant déjà de produire des lignées extrêmement utiles à la recherche, en particulier à l'étude des maladies génétiques.
L'étude des maladies génétiques.
Car si les scientifiques impliqués dans ce nouveau champ de recherche se sont tout d'abord cantonnés à générer des lignées de cellules saines, les premières cellules SPi associées à des pathologies humaines ont été produites pendant l'été : la toute première de ces lignées a été dérivée par Eggan et ses collaborateurs des universités d'Harvard et de Columbia*. Les chercheurs ont utilisé des fibroblastes cutanés prélevés sur une femme de 82 ans, atteinte d'une forme familiale de sclérose latérale amyotrophique (SLA). Des fibroblastes de la patiente ont été reprogrammés en cellules SPi, qui ont elles-mêmes été différenciées en motoneurones. Il résulte de cette expérience une lignée de motoneurones qui possède a priori toutes les caractéristiques génétiques de ceux dégénérant dans l'organisme de la patiente de départ. L'étude de ces cellules devrait permettre d'acquérir de nouvelles connaissances sur la pathogenèse de la SLA et, pourquoi pas, faciliter la mise au point de traitements pharmacologiques visant à prévenir ou à guérir la maladie.
Une semaine plus tard, c'était au tour d'une autre équipe d'Harvard, dirigée par Daley, d'annoncer l'obtention de vingt nouvelles lignées de cellules SPi, associée à dix pathologies humaines (maladie de Parkinson, diabète de type 1, maladie de Huntington, trisomie 21, immunodéficience sévère combinée, syndrome de Lesch-Nylan, maladie de Gaucher, syndrome de Shwachman-Bodian-Diamond, dystrophie musculaire de Duchenne et de Becker)**.
Cette rafale de publications est sans aucun doute à l'origine de la création du 'iPS Core' de l'institut de recherche sur les cellules souches d'Harvard. Le laboratoire sera non seulement un lieu de stockage des lignées produites par les chercheurs 'maison', mais il sera aussi un laboratoire capable de produire des lignées spécifiques pour les scientifiques du monde entier.
Accès libre et gratuit.
Les chercheurs d'Havard sont en effet tombés d'accord sur le principe de laisser un accès libre et gratuit à leur banque de cellules SPi.
'Notre travail n'est que le début d'une entreprise qui permettra d'étudier des milliers de maladies dans des boîtes de Petri. Nous souhaitons produire un grand nombre de lignées modélisant des maladies humaines pour nous, nos collaborateurs et le reste de la communauté scientifique afin d'accélérer les recherches', a déclaré Daley lors de l'annonce de la création de l'iPS Core. Une bonne nouvelle pour tous les scientifiques empêtrés dans les difficultés engendrées par les brevets et les réglementations encadrant les cellules SE."
Article d'ELODIE BIET
* Dimos et coll. 'Science', édition en ligne avancée du 31 juillet 2008.
** Park et coll., 'Cell', édition en ligne avancée du 6 août 2008.
Chronologie
"10 août 2006 : obtention de la première lignée de cellules SPi de souris par insertion de 4 gènes, dont l'oncogène c-Myc (équipe de Yamanaka).
20 novembre 2007 : obtention de la première lignée de cellules SPi humaines par insertion de 4 gènes, dont l'oncogène c-Myc (équipes de Thomson et de Yamanaka).
30 novembre 2007 : obtention de la première lignée de cellules SPi humaines par insertion de 3 gènes, sans l'oncogène c-Myc (équipe de Yamanaka).
6 décembre 2007 : des souris atteintes de drépanocytose sont traitées avec succès par une greffe de cellules SPi différenciées en cellules hématopoïétiques (équipe de Jaenisch).
7 avril 2008 : des souris modélisant la maladie de Parkinson voient leur état s'améliorer à la suite d'une greffe de cellules SPi différenciées en neurones à dopamine (équipe de Jaenisch).
29 juin 2008 : obtention de cellules SPi de souris à partir de cellules souches adultes neurales reprogrammées en introduisant seulement 2 gènes (équipe de Schöler).
31 juillet 2008 : obtention de la première lignée de cellules SPi humaines dérivées à partir de cellules de malade (une patiente atteinte de SLA), obtention de motoneurones à partir de cette lignée (équipe d'Eggan).
6 août 2008 : obtention de vingt lignées de cellules SPi humaines associées à dix maladies différentes (équipe de Daley).
22 août 2008 : obtention d'une lignée de cellules SPi humaines à partir d'une dent de sagesse extraite à une fillette de 10 ans (équipe d'Ogushi).
Vers une reprogrammation 'propre'
'Prometteuses' est l'adjectif consacré. Les cellules souches pluripotentes induites (SPi) ont un grand nombre de qualités qui pourraient faire d'elles des cellules idéales pour la médecine régénérative. Contrairement aux cellules souches embryonnaires (SE), elles semblent relativement faciles à obtenir, leur production ne nécessite pas l'utilisation d'ovocytes ou la destruction d'embryons, et elles peuvent être dérivées à partir des cellules du patient afin d'éviter tout risque de rejet. Un gros défaut s'oppose cependant encore à leur utilisation en clinique.
Les protocoles actuels de reprogrammation de cellules somatiques différenciées en cellules SPi se fondent sur l'introduction de copies supplémentaires de gènes fortement exprimés dans les cellules SE. L'introduction de ces gènes est réalisée à l'aide de vecteurs rétroviraux qui s'insèrent au hasard dans le génome.
Il est bien évidemment hors de question de traiter des patients avec des cellules ainsi bricolées. L'idéal serait de parvenir à induire la reprogrammation sans modifier le génome des cellules, en obtenant une surexpression transitoire des gènes nécessaires, cela à l'aide de peptides ou de molécules chimiques.
La communauté scientifique est plutôt optimiste quant à la résolution de ce problème. En l'espace de quelques mois, le nombre de gènes à introduire dans les cellules à reprogrammer est en effet passé de quatre à trois, voire à deux, si on utilise des cellules souches adultes neurales à la place des fibroblastes cutanés.
Une fois cette limite technique dépassée, il faudra encore s'assurer de la stabilité génétique des lignées produites et de l'absence de risque de formation de tératomes ou de tératocarcinomes lorsqu'elles sont réinjectées, après différenciation, dans l'organisme d'un patient."
Source :
Le Quotidien du Médecin du : 28/08/2008
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