«La greffe totale de visage est pour bientôt»
LAURENT LANTIERI, chef du service de chirurgie plastique et reconstructrice au CHU Henri-Mondor de Créteil (Val-de-Marne)
Propos recueillis par Timothée Boutry, Le Parisien, 03.08.2008
"Quelle est la portée de la greffe des deux bras réalisée en Allemagne ?"
Laurent Lantieri : "On savait qu’une telle greffe allait être réalisée. Il y avait déjà eu des greffes de mains ou d’avant-bras, mais là, on est allé plus loin. Sur le fond, le principe est le même que pour une main puisqu’il s’agit de rebrancher des vaisseaux, des nerfs, des os… C’est donc une évolution de la technique existante, mais ce cas est particulier puisque la greffe part de l’épaule."
Quelles sont les implications de cette opération ?
"Il va falloir suivre l’évolution de la motricité et de la sensibilité des bras du patient. Dans le cas d’une greffe de la main, la distance est courte entre le moignon et le bout des doigts : le patient retrouve rapidement l’usage et les sensations de son nouveau membre. Là, ce sera beaucoup plus long. Un nerf, c’est comme un fil électrique avec une gaine et des fils à l’intérieur. Or, ces fils poussent à une vitesse de 1 mm/jour. C’est pourquoi il faudra compter deux ans pour que le patient puisse se servir entièrement de ses deux nouveaux bras."
"Quels sont les risques encourus par le patient ?"
"Ils sont maîtrisés. Dans deux semaines environ, le patient va, comme c’est toujours le cas, rejeter le greffon. Mais on dispose désormais des médicaments capables de traiter ce phénomène. Depuis la première greffe de la main, il n’y a jamais eu d’échec. Je ne suis pas inquiet. Concernant les greffes de membres, on n’est plus dans le cadre de l’expérimentation. Les résultats sont supérieurs à tout ce qui était espéré. Ces opérations qui changent la vie des patients doivent donc se développer."
"Quelle peut être la prochaine étape en matière de greffe ?"
"Chaque patient est une première, mais il est vrai que certaines opérations s’apparentent à des bonds en avant. C’était le cas de la première greffe de la main ou de la première greffe partielle du visage. Aujourd’hui, la greffe totale de visage est pour bientôt. Je ne sais pas si je serai le premier à la réaliser, mais ce n’est plus qu’une question de temps. Techniquement, le plus difficile sera de greffer les paupières : ça n’a encore jamais été réalisé."
"Quelles seront les prochaines innovations ?"
"Actuellement, on essaie de recréer des organes à partir de cellules souches. Pour l’heure, on arrive à cultiver de la peau avant de la regreffer sur un patient mais, à l’avenir, on pourrait imaginer cultiver un foie ou un rein. On en est aux préliminaires. Les travaux sont cependant intéressants. Dans un autre domaine, pour les aveugles, on sait relier une caméra au cerveau avec des résultats encourageants. D’une manière générale, la seule limite, c’est l’imagination humaine."
"Selon vous, le principal frein se situerait au niveau des donneurs..."
"Tout à fait, il y en a trop peu. Ce n’est pas normal qu’il n’y ait eu que sept greffes de main et visage en France depuis dix ans. Concernant ces organes-là, il est justifié d’obtenir l’accord des familles car on touche à l’image du corps. Mais il faut les rassurer et préciser que l’intégrité physique des donneurs est respectée. Il faut aussi que les familles comprennent que derrière un prélèvement de cornée, il y a un aveugle et derrière un prélèvement de peau, un grand brûlé qui souffre. C’est une question de solidarité."
Source :
Le Parisien
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