"La Croix publie un dossier présentant les différents types de cellules souches (adultes, embryonnaires, iPS), leurs perspectives cliniques pour la recherche ainsi que les problèmes éthiques qu’elles soulèvent. Les débats sur les cellules souches vont s’intensifier dans les jours à venir alors que la loi de bioéthique de 2004 doit être révisée avant la fin du régime dérogatoire de 5 ans accordé aux recherches sur l’embryon humain, le 5 février 2011.
La Croix décrit les potentialités des diverses cellules souches.
Les cellules souches adultes d’abord, restées longtemps inaperçues, se situent dans la plupart des tissus de l’organisme où elles permettent le renouvellement des cellules qui meurent. En théorie, elles peuvent se multiplier à l’infini. Présentes en petite quantité dans les tissus, elles restent souvent spécialisées, ne fournissant que le type cellulaire des tissus où elles se trouvent. Les premières cellules souches adultes qui ont été découvertes dans la moelle osseuse à la fin des années 1950, puis dans le sang de cordon ombilical, sont les cellules souches hématopoïétiques qui sont à l’origine des globules rouges et globules blancs. Aujourd’hui, près de 20 000 greffes de sang de cordon ont été effectuées dans le monde depuis la première greffe réalisée en 1988 par le Pr. Eliane Gluckman (Inserm-hôpital Saint-Louis). 85 maladies, notamment du sang, peuvent être traitées grâce aux cellules du cordon ombilical et de la moelle osseuse. Les cellules souches adultes du tissu nerveux sont aussi mieux connues et l’on sait modifier leur différenciation par l’ajout de produits dans leur milieu de culture : on peut par exemple obtenir des cellules gliales (cellules à l’origine des neurones) ou des cellules musculaires lisses à partir de cellules neuronales. Ces cellules souches adultes deviennent donc 'pluripotentes' (avec des capacités proches de cellules souches embryonnaires). 18 essais cliniques ont été menés en 2009 à partir de cellules souches de sang de cordon 'pour des indications thérapeutiques comme la sclérose systémique, le diabète, le cancer du sein, l’ostéoporose. [...] En France, chaque jour un patient est greffé avec ces cellules souches' explique Grégory Katz, professeur à la chaire Innovation thérapeutique de l’Essec.
Les cellules iPS ou cellules souches pluripotentes induites découverte chez l’homme en 2007 par le Pr. Yamanaka de l’université de Kyoto sont des cellules souches adultes spécialisées ramenées à un état de pluripotence, 'reprogrammées' via l’introduction de 4 gènes. L’un des gènes inséré risquant de provoquer un cancer, les chercheurs ont trouvé un moyen de contourner ce risque. Les iPS sont utilisées aujourd’hui pour tester la toxicité de médicaments pour l’homme, mais leur découverte étant récente, des essais cliniques sur l’homme ne sont guère envisagés pour le moment. Néanmoins, la technique de reprogrammation intéresse les chercheurs en médecine régénérative qui souhaitent l’appliquer aux cellules de cordon.
Les cellules souches embryonnaires (ES) sont prélevées sur des embryons humains ; elles sont 'totipotentes', c’est-à-dire qu’elles peuvent donner naissance à tous les types de cellules de l’organisme (environ 200). Y recourir pose un problème éthique important : la destruction d’embryons humains. Bien que facilement cultivables, les ES ont l’inconvénient d’entrainer la formation de tumeurs (cellules tumorales). Pour le Pr. Philippe Ménasché de l’hôpital Georges-Pompidou et le Pr. Marc Peschanski du laboratoire I-Stem, ces cellules ont des capacités thérapeutiques pour les lésions de la moelle épinière, l’infarctus du myocarde ou la dégénérescence rétinienne. Ils plaident pour un régime d’autorisation de la recherche sur l’embryon, comme le député Alain Claeys, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi de bioéthique (...).
Ils estiment que la loi actuelle, contraignante, a fait prendre du retard à la France dans le domaine des cellules souches. 'Comme nous manquons de personnel formé aux cellules souches embryonnaires, du fait d’une interdiction complète avant 2004, nous avons du mal à être aussi performants que nos voisins sur les cellules iPS, par exemple' déplore Marc Peschanski. Il reconnaît toutefois que le régime dérogatoire de 2004 ne gène pas la recherche fondamentale. En effet, 122 autorisations de recherche ont été délivrées par l’Agence de la biomédecine depuis 2006 à 35 équipes. Marc Peschanski, comme George Uzan, directeur de l’unité Inserm U972, considère que la situation actuelle empêche le développement industriel à long terme de la thérapie cellulaire en France à la différence de la Grande Bretagne qu’il cite en exemple : 'les industriels ne veulent pas investir, car ils n’ont pas suffisamment de visibilité. Ils craignent de devoir revenir en arrière, au cas où une autorisation de recherche serait retirée. [...] Il faut une force de frappe financière pour aller vers la clinique'. Georges Uzan reconnaît cependant un bénéfice de la législation française : 'elle force les équipes à questionner l’utilité de telle ou telle recherche'.
Des essais cliniques de phase I avec des ES se préparent en France : Philippe Ménasché et Michel Pucéat travaillent à un essai visant à remédier aux conséquences d’un infarctus avec des cellules ES nommées cardiomyocytes (Cf synthèse de presse du 26/11/10). Un autre essai est en discussion pour traiter les complications cutanées de la drépanocytose. Des essais ont déjà commencé aux Etats-Unis, menés par les sociétés Geron et Advanced Cell Technology (...)."
La Croix (Denis Sergent, Claire Lesegretain) 30/11/10
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