"Thérapie à partir de cellules souches embryonnaires : l’essai qui va faire avancer tout le monde"
"Le premier essai de thérapie cellulaire à partir de cellules souches embryonnaires humaines (SEh), autorisé par la FDA, va être lancé par la Société Geron aux États-Unis (nos éditions du 27 janvier). Intitulé GRNOPC1, cet essai de phase 1, s’adresse à des patients porteurs d’une lésion de la moelle épinière subaiguë, auxquels sont administrées des cellules progénitrices oligodendrogliales dérivées de cellules SEh. Le Pr Marc Pechanski, directeur du laboratoire I-Stem à Génopole, commente pour 'le Quotidien' cette première mondiale."
"'Je me félicite de l’accord donné par la FDA, qui va permettre l’étude du résultat d’une implantation de cellules préparées à partir d’embryons humains. Il est manifeste que cela a nécessité des mises au point très importantes de la part des chercheurs, pour résoudre les nombreuses questions techniques et réglementaires posées par ce type de travail', commente le Pr Pechanski. Cet essai va concrètement permettre de faire avancer tout le monde dans le domaine de la thérapie cellulaire pas cellules SEh. Il comporte une part de développement technologique. Une banque de cellules implantable a sans doute été créée, ce qui en soi est un progrès. Le fait que la société Geron se lance dans la préparation de cet essai montre que des problèmes ont été résolus sur ce plan.
Concernant l’indication, la communauté des chercheurs dans le domaine des cellules souches a été surprise du choix qui a été fait, souligne le spécialiste. Y a-t-il des bases pour estimer que ces cellules SEh oligodendritiques qui vont être implantées peuvent apporter une amélioration ? Il semble que cela n’ait pas été testé avec d’autres types de cellules, comme cela l’a été dans d’autres organes : les cellules bêta-pancréatiques dans le diabète, les greffes intracardiaques de cardiomyocytes ou les neurones dans le Parkinson."
Un gain de temps considérable.
"'Toutefois il existe une raison claire à cette indication : on n’a pas d’autre solution à proposer à ces malades. Les scientifiques qui procèdent à l’essai entrepris par la société Geron ont dû certainement beaucoup réfléchir.' A une certaine époque, on estimait qu’il était justifié de prévoir une intervention thérapeutique plutôt à distance de l’accident, un mois après. Car juste après le traumatisme, il existe une inflammation qui peut éventuellement rendre difficile une implantation de cellules et mettre en jeu la survie de ces cellules. Ce qui a été mis en balance avec la notion qu’en intervenant très précocement, on peut au contraire espérer récupérer au maximum le tissu lésé.
Il faut souligner que 'le principe de l’étude est de fournir des oligodendrocytes et non des motoneurones. Les oligodendrocytes sont des cellules myélinisantes, que l’on donne pour sauver des axones démyélinisés et non sectionnés. On peut estimer toutefois que, selon toute probabilité, cet essai n’est pas réalisé pour que les malades remarchent, mais pour éviter une extension des dommages une fois que les principales lésions sont stabilisées'.
Un autre avantage pour la communauté des chercheurs réside dans le fait qu’il est 'probable que la lignée de cellules SEh oligodendrocytaires qui a été préparée pour l’essai soit mise à la disposition des équipes pour réaliser d’autres essais, ce qui va nous faire gagner un temps considérable. Cela fait longtemps que nous sommes en discussion avec ce groupe et nous savons que ces chercheurs sont ouverts et prêts à échanger'."
Le retard français.
"Et la France dans tout ça ? 'Nous sommes partis avec sept ans de retard. Mais le fait de démarrer en aval est assorti d’un bénéfice secondaire, l’avantage de ne pas être obligé de refaire tout une étape de recherche fondamentale. Le groupe de Philippe Menasché et Michel Puceat est bien placé avec les travaux de thérapie cellulaire utilisant les précurseurs de cardiomyocytes pour la réparation myocardique. Nous en sommes aux étapes précliniques avant le début des essais humains.'"
Propos recueillis par le Dr BÉATRICE VUAILLE
Le Quotidien du Médecin du 28/01/2009