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Le marché des éléments du corps humain

"L'Express consacre un dossier à l'expansion des thérapies à base de cellules souches et d'organes du corps humain et évoque les questions éthiques liées au développement d'un marché planétaire, pas toujours bien contrôlé.

Citant le cas d'Albert, 'grand gaillard de 52 ans' qui a été sauvé in extremis d'une grave leucémie grâce à la greffe de sang de cordon d'une petite fille née dans une maternité des environs, le magazine évoque les qualités exceptionnelles des cellules souches et notamment celles des cellules du sang de cordon ombilical. Les cellules souches qui ont la particularité de se multiplier de façon quasi illimitée ont le pouvoir de donner naissance à plusieurs types de cellules en vue de régénérer de nombreux tissus. Le magazine évoque de nombreux résultats probants en France : le Pr Goldberg de la faculté de chirurgie dentaire de Paris a réussi à régénérer des dents d'un rat en réactivant des cellules souches de la pulpe dentaire ; le Pr Menasché de l'hôpital Georges Pompidou traite des patients souffrant de séquelles d'infarctus avec du tissu cardiaque obtenu grâce à des cellules souches musculaires du patient ; à l'hôpital Saint Vincent de Paul, le Pr Aubourg soigne des enfants souffrant de leucodystrophie en traitant les globules blancs avec des cellules souches prélevées dans la moelle osseuse ; le Dr Michèle Martin du Commissariat à l'Energie Atomique, produit de la peau à partir de cellules souches de l'épiderme adulte pour soigner les grands brûlés (on peut obtenir 2 mètres carrés de peau à partir d'un prélèvement de peau grand comme un timbre poste). Mais les recherches à l'étranger ont aussi des résultats prometteurs : dans le laboratoire du Pr McGuckin et du Dr Nico Forraz des cellules souches de sang de cordon se sont transformées en cellules productrices d'insuline ; au Whitehead Institute (Massachusetts) R. Jaenisch a réduit chez des souris les symptômes de la maladie de Parkinson, grâce à des cellules issues de leur peau, transformées en cellules neurales ; enfin comment ne pas citer les travaux révolutionnaires du Pr Yamanaka qui est parvenu à transformer en cellules souches pluripotentes induites (cellules IPS) des cellules de peau ?

Le dossier évoque, derrière cet enthousiasme, la montée des convoitises internationales. Des sociétés comme CryoCell qui propose aux femmes de conserver le sang de leurs règles pour 99 dollars par an, ou BioEden qui congèle les dents de lait des enfants pour 600 dollars pièce, ou encore celles qui proposent de conserver la graisse extraite des liposuccions : rien ne se perd, tout se transforme ! Toutefois, ce marché humain pose des questions éthiques : faut-il rétribuer les donneurs, peut-on faire du commerce avec ces éléments du corps humain ?

Ces questions se posent différemment selon que l'on parle de déchets, de cellules, ou d'organes et le sujet est complexe. L'exemple du sang de cordon en France est intéressant et pose la question des modèles de banques privés ou publics. Quasi seule en Europe à refuser le modèle des banques privées, aujourd'hui la France fait 'figure de lanterne rouge en matière de cordons disponibles' et la pénurie de greffons de sang de cordon dans l'hexagone invite les autorités à développer le nombre de banques publiques pour pouvoir faire face à la demande, tout en maintenant le refus, au nom du modèle public et solidaire, des banques privées. En attendant d'avoir assez de greffons, la moitié des poches de sang utilisées sont importées pour un coût allant de 15 000 à 25 000 euros l'unité, tandis que de nombreux parents envoient leur cordon dans des banques privées étrangères...

Coté trafic international, le magazine évoque celui des organes. L'exemple de la Chine où la plupart des 10 000 organes transplantés chaque année provenaient majoritairement des condamnés à mort fait frémir, mais de nombreux cas rapportés d'autres pays où le tourisme médical explose, donnent la mesure de ce trafic. Qui dit 'trafic' dit 'bénéfice' et on comprend l'ampleur des enjeux économiques quand on sait que pour un rein payé 500 euros à un 'donneur' en Afrique, 700 euros en Inde ou 5.000 en Turquie, les riches patients déboursent de 80.000 à 150.000 euros pour se faire greffer.

'On nage dans le flou et l'hypocrisie' regrette Bernard Edelman ! 'Les organes et les tissus circulent d'un pays à l'autre, s'achètent et se vendent alors que leur commerce est en théorie interdit, de même qu'on proclame le principe de non-patrimonialité du corps humain, alors qu'il est possible de breveter les cellules d'un individu.'

Alors que le concept de corps inviolable et incessible ressemble de plus en plus à un mythe, la logique de marchandisation parait sans limites conclut l'Express."

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L'Express.fr 16/12/2008

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