Le Professeur Jacques Belghiti dirige le service Chirurgie hépato-pancréato-biliaire de l’hôpital Beaujon, à Clichy. Il a présidé l’Association internationale de transplantation hépatique ainsi que l’Association française de chirurgie hépatobiliaire et de transplantation hépatique. Portrait du Pr. Jacques Belghiti (lien). Pour mémoire, l’article ci-dessous du Pr. Belghiti, publié le 28/11/2007 dans “Le Figaro” : “La Chine doit cesser de vendre les organes des condamnés à mort”. Les choses ont-elles changé ? Voir l'enquête de l'ancien député au parlement et avocat David Kilgour, qui vient de publier un livre sur le sujet (livre en anglais, en cours de traduction) : "Bloody Harvest" : "Prélèvements criminels" (littéralement : sanglants). Non, les choses n'ont pas changé ! Voilà ce que l'on peut d'ores et déjà dire au préalable de la publication de la version française de cette précieuse enquête bourrée de faits, de preuves - donc extrêmement documentée, ne visant pas la seule polémique. A noter : la version française devrait paraître d'ici mars 2010 ! ==> Version française (Doc. PDF) : résumé du livre “Bloody Harvest” |
"Pour le président de l’Association française de chirurgie hépatique et de transplantation et de L’International Liver Transplantation Society, 'la Chine doit cesser de vendre les organes des condamnés à mort'.
Rachida Dati, garde des Sceaux, a accompagné le président de la république lors de son voyage en Chine. J’espère que ce voyage lui a permis de rappeler aux autorités chinoises notre opposition à la commercialisation des transplantations d’organes.
Depuis le début des années 2000, de nombreux malades ne pouvant être transplantés dans leur pays allaient en Chine pour obtenir rapidement un greffon rénal, hépatique ou cardiaque. Le système de santé de ce pays ressemble à son économie et de nombreux hôpitaux à la recherche d’activités rentables se sont lancés dans la transplantation d’organes. Alimentée par les greffons provenant d’environ 8 000 exécutions par an, la transplantation est devenue une activité florissante et enrichissante, car chaque donneur pouvait rapporter aux autorités hospitalières, aux médecins et aux divers intermédiaires entre 200 000 et 300 000 dollars.
Ce prix qui fluctue avec les lois du marché varie aussi selon l’hôpital, l’origine du malade (chinois ou étranger), la nature de l’organe à transplanter et la période (Il n’y a pas d’exécutions pendant les fêtes de fin d’année). Près d’un tiers des transplantations étaient réalisées chez des étrangers attirés par des sites Internet rédigés en japonais, coréen, russe et anglais. Ce 'tourisme de transplantation', nourri par des malades désespérés et poussés par des médecins affairistes, suivait des filières particulièrement importantes au Moyen-Orient. Cette activité quasi industrielle n’a eu aucun effet bénéfique sur les connaissances scientifiques car les équipes de transplantation, dans une logique purement commerciale, sans contrôle ni restrictions médicales, n’ont aucune incitation à améliorer leurs résultats qui ne sont jamais publiés. Les mauvais résultats sont la conséquence de mauvaises indications médicales de greffe puisque seul la solvabilité du malade compte ; de mauvaises conditions techniques des prélèvements d’organes après une exécution loin d’un hôpital et enfin de l’absence de suivi des greffés. Qui plus est, cette opportunité a freiné le développement de programmes de transplantation de certains pays qui utilisaient leurs crédits pour financer le séjour de leurs malades en Chine.
La commercialisation de la transplantation avec des organes prélevés chez des condamnés à mort a révolté la communauté scientifique. Toutes les sociétés médicales de transplantation mondiale ont condamné cette pratique et ont rompu toute relation scientifique dans ce domaine. L’amplitude des protestations qui détériore l’image de la Chine a finalement conduit le gouvernement chinois à réagir fin 2006. Depuis le début 2007, le nombre de transplantations en Chine s’est effondré. Ce déclin est essentiellement dû à une diminution des condamnations à mort qui doivent toutes être confirmées par la justice centrale. Le réexamen des sentences a atténué les excès des instances locales. Ce tarissement, que l’on espère durable, de la source des organes a permis une vaste réforme de la transplantation impulsée par le Pr Jiefu Huang vice-ministre de la Santé. Le nombre de centres habilités est fortement réduit, et il est désormais interdit de transplanter un étranger sans autorisation des autorités sanitaires.
Bien entendu, cette évolution ne va pas complètement réhabiliter la transplantation en Chine, car les exécutions continuent et le caractère commercial de cette activité implique de nombreux acteurs et intermédiaires qui n’ont aucun intérêt à ce que les choses changent. Et, en octobre 2007, lors de mon dernier séjour en Chine, certains réclamaient déjà le remplacement du Pr Jiefu Huang. Les autorités chinoises affirment que les condamnés signeront un 'consentement' au prélèvement de leurs organes. La réalité de ce consentement n’a jamais pu être vérifiée, et les condamnés à mort n’ont aucune considération dans la société chinoise qui estime éliminer des individus nuisibles. La honte des familles de ces condamnés fait qu’ils ne réclament que rarement les cendres d’une crémation qu’ils doivent payer. L’État chinois se considère propriétaire du corps des condamnés, le prélèvement de leurs organes étant le seul élément positif que ces condamnés puissent apporter à la société.
Il n’en reste pas moins qu’une évolution positive est en train de se dessiner, puisse-t-elle se poursuivre après les Jeux de Pékin. Dans cette nouvelle ambiance, soutenus par leurs confrères étrangers, des chirurgiens chinois courageux qui restaient 'marginaux' peuvent plus facilement poursuivre une activité qui obéit à des règles plus éthiques. On peut espérer que le gouvernement engage des travaux pour définir une législation de la mort cérébrale.
Mme le ministre, nous espérons que vous avez transmis aux autorités chinoises notre préoccupation pour que la transplantation puisse se développer dans le cadre de règles éthiques."
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