22 juin : journée nationale sur le don d’organes et la greffe
CHRISTIAN RICHARD, JEAN MARTY
Christian Richard, Président de la Société de Réanimation de Langue Française
Jean Marty, Président de la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation.
"Dès 1954, date de la création du service de Réanimation de l’Hôpital Claude Bernard à Paris, le Professeur Maurice Goulon avait attiré l’attention de la communauté médicale française sur l’existence de patients présentant un tableau neurologique particulier associant sous ventilation mécanique l’abolition totale de la conscience, la suppression de tous les réflexes du tronc cérébral, l’absence de ventilation spontanée à l’arrêt du ventilateur et la nullité de l’électroencéphalogramme. Cinq ans plus tard M Goulon et P Mollaret publiaient dans la Revue Neurologique une série de 23 patients dans cette situation si particulière qu’ils qualifièrent à l’époque de 'coma dépassé'. Force est de reconnaître que cette importante constatation clinique resta fort longtemps méconnue au-delà des frontières françaises ; car à l’époque l’idée de la réalisation de prélèvements d’organes dans cette situation n’avait probablement pas effleuré la communauté médicale internationale. La constatation d’un tel 'coma dépassé' était décrite alors par les auteurs comme 'une révélation et une rançon de la maîtrise acquise en matière de réanimation neuro- respiratoire'."
"Les progrès de la chirurgie, la compréhension des mécanismes immunologiques du rejet de greffe et le développement des traitements immunosuppresseurs permirent dans les années 60- 70 la réalisation de transplantation rénale à partir de donneurs vivants sous l’impulsion en France du Professeur Jean Hamburger. L’idée de prélèvement d’organe sur le patient en état de 'coma dépassé', désormais plus logiquement appelé mort cérébrale ou comme dans le cadre de cet ouvrage mort encéphalique, a correspondu quelques années plus tard au fascinant avènement de la transplantation cardiaque. C’est bien évidemment dans ce contexte que le concept de mort encéphalique a pris tout son sens générant alors la nécessaire réflexion éthique elle- même à l’origine du développement de l’indispensable arsenal législatif analysé en détail dans l’éditorial de Carine Camby, actuelle Directrice de l’établissement français des greffes, récemment devenu l’Agence de la biomédecine.
C’est ainsi que s’est progressivement fait jour la capacité de réaliser la transplantation de la quasi-totalité des organes qu’il s’agisse du cœur, du foie, mais aussi du poumon, du pancréas, de l’intestin et bien sûr de nombreux tissus. Nous sommes désormais bien loin des balbutiements et des premiers développements de cette activité par ceux, médecins, chirurgiens, biologistes et soignants, qui animés d’un formidable esprit visionnaire ont permis la réussite que l’on sait. Cette activité est en France désormais encadrée par les lois de bioéthique promulguées en France en Juillet 1994 et révisées en 2004. Trois principes intangibles doivent guider ceux et celles d’entre nous qui de près ou de loin participent à la prise en charge du donneur d’organe et à l’activité de transplantation : le respect obligatoire du consentement au prélèvement, la gratuité du don et le respect du strict anonymat entre donneur et receveur.
Les progrès des connaissances, le développement fulgurant des nouvelles stratégies thérapeutiques, posant souvent le délicat dilemme éthique du rapport risque- bénéfice, la légitime exigence des patients de pouvoir bénéficier du maximum d’information ainsi que d’une prise en charge parfaitement en phase avec 'l’état de l’art'- tout cela a participé de la nécessaire réflexion sur l’établissement de référentiels de pratique sur lesquels le médecin pourrait s’appuyer pour la prise en charge de malades souffrant de pathologies de plus en plus complexes, relevant chaque jour d’explorations et de thérapeutiques de plus en plus sophistiquées. C’est le mérite en France, dans le domaine de la réanimation, de la Société de Réanimation de Langue Française d’avoir su, sous l’impulsion en particulier du Professeur Jean Claude Raphaël, développer ce mode de pensée importée au départ d’Amérique du Nord et plus particulièrement du Canada. Cette approche s’est progressivement imposée par le biais de l’élaboration de conférences de consensus, de conférences d’experts, mais aussi de recommandations de pratique clinique, tous processus qui font désormais partie de notre environnement professionnel quotidien. Très vite la Société française d’Anesthésie Réanimation s’est également appliquée tant dans le domaine de l’anesthésie que de la réanimation à imposer à sa communauté cette approche rigoureuse qui a participé, chacun le sait, des avancées majeures en matière de sécurité anesthésique.
Quoi de plus naturel alors, que deux sociétés savantes la Société de Réanimation de Langue Française et la Société française d’Anesthésie Réanimation, qui regroupent en leur sein la très grande majorité des médecins impliqués dans la prise en charge des sujets en état de mort encéphalique, aidées en cela par l’Agence de Biomédecine, aient décidé d’actualiser une conférence d’experts dont la publication initiale datait de 1998. Le nombre et la qualité des experts qui ont accepté de se plier à ce rigoureux exercice au service de l’intérêt collectif mérite d’être souligné, car il garantit la pertinence scientifique de cet important ouvrage et autorise ainsi sa large diffusion. L’un des gros intérêts de ce livre est de rassembler pour chacune des étapes de ce processus complexe de prise en charge des sujets en état de mort encéphalique en vue de prélèvements d’organes et de tissus les données scientifiques mais également organisationnelles et éthiques les plus récentes. En abordant successivement le diagnostic de la mort encéphalique, la prise en charge en réanimation du donneur potentiel, les critères d’évaluation des organes et des tissus, mais aussi l’organisation logistique du prélèvement d’organes, cet ouvrage met en exergue combien cette activité nécessite l’implication de tous les professionnels de la santé au service d’un seul objectif l’amélioration de la prise en charge des patients en attente de transplantation. Il permet également à chacun de mesurer combien, en amont du geste de transplantation réalisé par le chirurgien, qui apparaît toujours pour le malade d’abord, pour le public et les décideurs de tout bord ensuite, comme le seul élément marquant de cette immense chaîne, le travail mené par les équipes de réanimation, les coordinations hospitalières, les directions d’établissements hospitaliers et l’ Agence de Biomédecine s’avère primordial.
Il revient enfin à la Société de Réanimation de Langue française et à la Société Française d’Anesthésie et de Réanimation d’assurer avec d’autres, sur cet important sujet, la diffusion des connaissances et l’information auprès des réanimateurs français, mais aussi auprès de tous ceux et celles qui à des degrés divers s’impliquent au quotidien dans cette tâche si noble qu’elle en est parfois jugée ingrate. Il s’agit d’une réelle mission dédiée au service public hospitalier, dont le plein épanouissement ne peut se concevoir au quotidien, au-delà de la nécessaire sensibilisation des équipes de réanimation que nous animons, qu’à travers une volonté politique clairement affichée d’y consacrer les moyens financiers indispensables."
Source :
Société Française d'Anesthésie et de Réanimation (SFAR)
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