Les cellules-souches contenues dans le sang de cordon ombilical offrent de nombreuses perspectives pour la recherche, mais la France fait de la résistance. Des chercheurs dénoncent des blocages idéologiques et financiers.
"La nouvelle est quasiment passée inaperçue et pourtant elle annonce une véritable révolution médicale. Deux équipes de biologistes, américaine et britannique, sont parvenues à transformer des cellules souches, présentes dans le sang de cordon ombilical, en cellules productrices d'insuline. Ce résultat ouvre de nouvelles voies de traitement du diabète insulino-dépendant ( de type 1 ).
Mais plus encore, les chercheurs sont convaincus que le sang du cordon permettrait, à terme, de reconstituer toutes sortes de tissus : os, cartilage, vaisseaux, muscles et également, cellules du foie, du pancréas, des neurones, du coeur. Avec, au bout du compte, la perspective de soigner des maladies telles que l'Alzheimer, le Parkinson, la sclérose en plaques, la mucoviscidose, le diabète, les maladies cardio-vasculaires. Certes, nous n'en sommes pas encore là. Mais l'utilisation des cellules souches de sang de cordon pourrait offrir une alternative aux cellules souches adultes ou embryonnaires présentées jusqu'ici comme seuls espoirs de la médecine dite 'régénérative'.
Tout a commencé en 1987 à l'hôpital Saint-Louis à Paris, quand l'équipe d'Eliane Gluckman a injecté à un enfant de six ans, atteint de la maladie de Fanconi (trouble génétique touchant la moelle osseuse) du sang prélevé dans le cordon de sa petite soeur. Une première mondiale parfaitement réussie ! Depuis, quelque 8000 personnes ont été ainsi traitées dans plus de 50 pays.
Alors, comment expliquer que notre pays, qui fut pionnier en la matière, ne compte aujourd'hui que deux banques publiques de sang de cordon (Bordeaux et Besançon) en activité ?
Comment justifier, dans un contexte de manque de dons, que la plupart des cordons ombilicaux récoltés dans les maternités ( plus de 2000 par jour ) partent vers les incinérateurs comme de vulgaires déchets hospitaliers ?
Comment comprendre, surtout, que dans le débat public, auquel tous les citoyens ont droit, les énormes potentialités du sang de cordon ne soient pas davantage mises en avant ?
Certains chercheurs parlent de 'blocages bureaucratiques'. D'autres dénoncent un 'aveuglement' des autorités sanitaires et regrettent que l'on sous-estime les bénéfices de cette piste.
Résultat : classé au 16è rang mondial, derrière la République tchèque, notre pays ne compte que 5800 unités de sang placentaire (USP) disponibles : 'Il en faudrait dix fois plus pour répondre à toutes les demandes' se désole le Pr Eliane Gluckman. Pour enfin faire face aux demandes croissantes de greffes, l'Agence de la biomédecine s'est résolue à mettre en oeuvre un plan destiné à atteindre 10 000 unités de sang placentaire d'ici à trois ans.
Un objectif peu ambitieux si on le compare au nombre d'USP déjà stockées par l'Espagne ( 17000 ), l'Italie ( 15 000 ) ou l'Allemagne ( 13 000 ). D'ailleurs, profitant du manque criant de moyens des banques publiques de sang de cordon, une kyrielle de sociétés privées dans la brèche d'un marché des plus prometteurs.
Déjà, outre-Atlantique, les messages publicitaires fleurissent pour inciter les futurs parents à conserver le cordon de leur progéniture. Ces campagnes sont toutes construites autour d'un même postulat : utiliser un jour les cellules souches du cordon ombilical pour soigner des maladies aujourd'hui incurables, voire pour fabriquer des tissus et des organes de remplacement avec les propres cellules du patient. Elles pourraient aussi guérir les frères et les soeurs du donneur. De quoi rêver !
Un pari sur l'avenir, jugent certains. 'Une véritable escroquerie', estime le généticien Axel Kahn, qui dénonce 'une publicité mensongère et inacceptable'.
Il n'empêche. A la fin de l'été 2006, on apprenait dans le Sunday Times que cinq joueurs du championnat de football d'Angleterre (dont Thierry Henry) avaient fait stocker, dans des banques privées, le sang du cordon de leur nouveau-né. Leur objectif : disposer à tout moment de cellules souches capables de réparer le cartilage ou les ligaments qui pourraient être endommagés par des blessures. 'Pourquoi s'offusquer d'une telle démarche? interroge un chercheur, alors qu'en France la loi de bioéthique du 6 août 2004 autorise la création de bébés-médicaments pour soigner un grand frère ou une grande soeur atteint d'une maladie génétique .'
A l'heure qu'il est, aucune entreprise commerciale proposant la conservation du sang de cordon n'est implantée en France. Et pour cause. Ni les autorités sanitaires, ni une grande partie de la communauté scientifique ne veulent entendre parler de secteur privé, surtout quand celui-ci gagne de l'argent grâce à la conservation du sang.
Mais la donne est en train de changer. Soucieuses de ne pas se voir enfermées dans une image mercantile et égoïste, les sociétés privées cherchent à combiner altruisme et intérêt personnel, en développant un usage mixte des greffons collectés. Le célèbre homme d'affaires et fondateur de Virgin, Richard Bronson, a ouvert la voie en lançant, le 1er février 2007 au Royaume-Uni, la première banque privée-publique du monde. La Virgin Health Bank donnera gratuitement 80 pour cent de chaque prélèvement à une banque publique, les 20 pour cent restants devenant propriété exclusive de la famille, qui déboursera 2261 euros pour le stockage des vingt premières années.
Ce système hybride 'permet de ne pas léser le public et de faire avancer les recherches', explique le Pr Eliane Gluckman. De fait, les choses semblent bouger. La banque Eurocord de l'hôpital Saint-Louis, à Paris, qui avait fermé en 2003, faute de crédits, mais continuait à livrer ses échantillons, rouvrira ses portes à l'automne et une quatrième devrait prochainement voir le jour à Marseille. En attendant que des banques privées viennent un jour compléter le dispositif.
Même si la médecine régénérative et la thérapie cellulaire n'en sont qu'à leurs balbutiements, conserver le sang du cordon apparaît comme un geste utile et porteur d'avenir. Pour nombre de chercheurs, il est urgent, en tout cas, d'ouvrir un débat public sur la question.
'Quand tous les parents seront informés, la congélation du sang du cordon deviendra aussi courant qu'une vaccination', affirme Mark Waeterschoot, directeur de Cryo-Save, banque privée de sang placentaire basée en Belgique. Pour bénéficier de ses services, il faut débourser 125 euros pour le kit de prélèvement (l'échantillon est envoyé par un service de messagerie), 1375 euros pour les vingt premières années de stockage et 750 euros ensuite par tranche de vingt ans."
Contact : EFS ( Etablissement français du sang). www.efs.sante.fr
Source :
http://forum.aol.fr
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