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La recherche clinique face à la mondialisation

"L'hôpital devient le lieu essentiel de la recherche biomédicale, et les partenariats entre hospitalo-universitaires et industriels sont au coeur d'une intense compétition mondiale."

"'Médecine et biologie sont liées. Il n'existe pas d'exercice médical sans la compréhension des mécanismes des maladies et des médicaments et pas de recherches sur les maladies sans les concepts et les techniques de la biologie fondamentale.' Derrière cette sentence se cache une réalité qui se vérifie tous les jours. La recherche biomédicale se pratique de plus en plus 'au lit du malade', en associant des médecins hospitaliers, des biologistes et des industriels de la pharmacie. La multiplication des partenariats entre ces acteurs de la santé confirme cette nouvelle tendance ('Les Echos' du 16 avril). Là encore, la compétition est devenue mondiale et seuls les hôpitaux disposant de plates-formes d'analyse moléculaire de très haut niveau et de spécialistes de talent resteront dans la course. A la clef, la participation aux essais préliminaires où les thérapies novatrices sont expérimentées pour la première fois in vivo.
Tout le monde semble trouver son compte dans cette nouvelle donne. Les médecins se réapproprient les phases exploratoires à forte valeur ajoutée, et les laboratoires pharmaceutiques se concentrent sur le développement des molécules. 'Cette approche de type gagnant-gagnant conditionne la qualité des progrès thérapeutiques en cancérologie', résume le professeur Jean-Charles Soria, de l'Institut Gustave-Roussy à Villejuif près de Paris.
Tous les grands hôpitaux français se préparent à cette mue historique qui redonne tout son sens au concept du centre hospitalier universitaire (CHU), créé en 1958 par Michel Debré. 'Les professeurs des hôpitaux universitaires sont sélectionnés et payés pour remplir une triple mission incluant la recherche. Se limiter aux soins, c'est répondre aux besoins des malades d'aujourd'hui, mais c'est renoncer à participer aux progrès de la médecine, contre l'intérêt des malades de demain', indique Philippe Even, de l'Institut Necker, dans son enquête sur la recherche biomédicale hexagonale ('Les Echos' d'hier).

Super-CHU

Selon ce document, la France compte aujourd'hui à peine une quarantaine de sites de recherche biomédicale de classe internationale, dont une quinzaine de facultés de médecine. Ce classement révèle un fait alarmant. Près de la moitié des CHU (18) ne sont pas de niveau international, voire 'très en deçà en valeur absolue comme en valeur relative'. Ce problème est connu depuis longtemps. Il est le résultat d'un état d'esprit et d'une culture médicale que dénonce le médecin Even. 'Beaucoup de cliniciens, plaidant pour eux-mêmes, prétendent que la qualité des soins est sans rapport avec les activités de recherche clinique ou biologique. Dès lors, la recherche serait une activité de luxe inutile aux malades et qui détournerait les médecins des activités de soin.'
Plutôt que de trancher dans le vif en rappelant à l'ordre les CHU défaillants, le gouvernement a préféré ajouter une couche au millefeuille du système hospitalier actuel : les instituts hospitalo-universitaires (IHU). Cinq super-CHU seront prochainement installés pour 'participer de manière active à l'innovation industrielle en accroissant ses liens avec la recherche privée'. Près de 850 millions d'euros issus du grand emprunt vont alimenter ces nouvelles cathédrales de la santé qui devront 'offrir un niveau d'excellence internationale en matière de soins, de recherche et d'enseignement'.
Selon le rapport établi par Jacques Marescaux, ces IHU auront un statut spécifique (des fondations de coopération scientifique), leur comité de direction aura une liberté de manoeuvre totale et ils devront mobiliser une masse critique de talents (plus de cent). Ce concentré d'excellence d'inspiration anglo-saxonne bénéficiera d'un avantage exclusif qui demande confirmation : leur patron devra 'être une personnalité charismatique reconnue dans le monde de la santé et de la recherche'.
En attendant, le bilan dressé par l'Institut Necker montre que l'activité scientifique déployée par les 4.000 PU-PH (professeur des universités-praticiens hospitaliers) est très variable. Environ 1.500 d'entre eux travaillent dans les 350 unités de l'Inserm et mènent une 'activité scientifique mesurable'. De cette minorité, 170 ont atteint un très bon niveau et une cinquantaine ont rejoint l'élite mondiale. A l'autre bout du spectre, la situation est très préoccupante. '1.700 PU-PH, c'est-à-dire 42 % du total, ne publient rigoureusement rien et ne remplissent donc pas leur mission statutaire de recherche'. Dans la réalité, il est difficile de se couper en trois et la recherche est souvent sacrifiée au profit des deux activités jugées prioritaires par les universitaires : les soins et l'enseignement. 'La charge des soins est devenue très lourde', admet Philippe Even.

Champions hexagonaux

Mais selon cet expert, la créativité des hospitalo-universitaires est en baisse constante. 'La plupart des PU-PH cliniciens se sont mis à la remorque de l'Amérique et se bornent à répéter ou à participer de façon minoritaire à des travaux collaboratifs d'un conformisme affligeant.' Cette baisse de niveau a un impact direct sur le nombre d'essais cliniques de phase I confiés à des sites français. A part la cancérologie, dont l'image de marque reste forte, la recherche clinique hexagonale perd du terrain. 'Presque toutes les percées cliniques, diagnostiques ou thérapeutiques de ces trente dernières années viennent d'ailleurs', indique l'enquête de l'Institut Necker.
Malgré ce climat, l'Hexagone possède d'incontestables champions dont certains sont devenus des personnalités. Des grands chirurgiens comme Alain Carpentier, Laurent Lantiéri, Jacques Marescaux, Jean-Michel Dubernard, Laurent Sedel ou Bernard Devauchelle et de nombreux spécialistes qui ont réalisé des percées fondamentales : Alain Fischer, Patrick Aubourg et Marc Peschanski, devenus des stars mondiales de la thérapie génique.

Des succès qui ne suffisent pas pour affronter la très forte concurrence mondiale qui se profile à l'horizon. 'Peut-être avons nous commis une erreur en universitarisant, entre les années 1960 et 1990, des milliers de médecins, certes cliniquement excellents, mais qui n'avaient ni la formation scientifique, ni la fibre universitaire, ni celle de la recherche. Ils font de notre corps de PU-PH un ensemble très hétérogène. Il est six fois supérieur en nombre à celui des années 1960, et trois fois supérieur à celui de l'Angleterre d'aujourd'hui', conclut le professeur parisien."

ALAIN PEREZ, Les Echo

1 commentaire:

Ethics, Health and Death 2.0 a dit…

Copyright de l'image : Les Echos 19/05/2010