Le Professeur Bernard Debré, ancien ministre, député de Paris, est, à l'hôpital Cochin, chef du service d'urologie. Il publie 'la Revanche du serpent ou la fin de l'homo sapiens'.
La Revanche du serpent ou la fin de l'homo sapiens, Editions du Cherche Midi. 175 p. 10 €. Sortie le 3 novembre.
Bernard Debré pose sur la science un regard d'humaniste.
"Pourquoi 'la Revanche du serpent'? A cause de la 'petite pomme', explique Bernard Debré, car c'est le nom sous lequel les premiers anatomistes désignèrent l'hypophyse dont l'ingestion détermine la maladie de Creutzfeldt-Jacob ! D'où cette originale réflexion sur la Bible : et si, dans cette histoire de transgression, les choses étaient différentes de ce que rapporte la tradition ? Et si, au lieu de prétendre éloigner l'homme de la connaissance, la parabole du serpent entendait seulement le dissuader d'exercer un pouvoir absolu sur lui-même, pouvoir qui, dans toute société primitive, s'exprime d'abord par l'anthropophagie ? Loin d'être un frein à la connaissance, la logique biblique introduit au contraire une éthique de la responsabilité : elle pose que certaines transgressions peuvent entraîner la disparition de l'homme et d'autres, son salut. Traçant de troublants parallèles entre les mythes et la science, l'auteur affirme que le progrès médical majeur sera la généralisation du clonage thérapeutique - acquis aussi essentiel que la conquête spatiale ! Extraits".
"Trois mille ans après le Décalogue, nous voici au seuil de la grande transgression, puisque, techniquement, rien ne s'oppose plus, dans l'absolu, à ce que le clonage remplace, demain ou après-demain, la reproduction naturelle... Mais rien ne sert de s'opposer à l'irréversible : on n'empêche valablement ce qu'on redoute qu'en proposant mieux ! Et de ce point de vue, la science nous offre des ressources inespérées, via l'autoréparation de nos organes défectueux par des cellules souches prélevées sur notre propre organisme.
Les Britanniques ne s'y sont pas trompés qui, dès juillet 2004, ont autorisé leurs chercheurs à cloner des embryons humains de moins de quatorze jours en vue de produire des cellules et bientôt des organes de rechange, à titre expérimental. Aussitôt, les mythes de Faust (la jeunesse éternelle) et de Frankenstein (l'homme recréé de toutes pièces) ont resurgi dans l'imaginaire collectif, de même que l'éternel soupçon d'irresponsabilité qui vient frapper les scientifiques lorsqu'ils obtiennent qu'une loi prenne simplement acte de leur savoir-faire. Les premiers résultats de ce clonage thérapeutique ont été annoncés en mai 2005.
Au moment précis où l'Autorité de régulation de la bioéthique humaine britannique reconnaissait la recherche sur l'embryon comme 'indispensable à la science dans l'étude et le traitement des maladies incurables', la France l'interdisait solennellement... sous peine de sept ans de prison et de 100 000 euros d'amende. Seule possibilité laissée aux chercheurs français : le droit d'utiliser, 'à titre dérogatoire' et jusqu'en 2009 seulement, les 100 000 embryons congelés surnuméraires, issus de fécondations in vitro...
Plus que jamais la recherche a besoin, pour progresser, de travailler sur des embryons spécialement créés pour elle, et ce, afin de percer l'ultime mystère de l'embryogenèse : nous sommes encore hors d'état d'expliquer comment une cellule passe de son état primordial, indifférencié, à son état ultérieur de cellule spécialisée ; comment, par conséquent, se forment le foie, le pancréas, les os, le sang à partir de cette cellule souche...
Afin de déclencher le signal nécessaire à la production d'un organe, il est donc plus que jamais vital de travailler en amont sur l'embryon. Pour mieux se passer, ensuite, de son utilisation. Une fois cette difficulté résolue, toute la palette de l'immunologie pourrait ainsi être réunie dans une banque d'organes. La banque de ses propres organes ! Une solution miraculeuse quand on connaît le manque actuel de dons. Rappelons qu'en 2004, plus de 6 000 personnes en France avaient besoin d'une greffe et que 250 sont mortes dans l'attente d'une transplantation. Plus besoin, dès lors, de files d'attente, encore moins de traitements antirejets : le futur greffé des reins disposera de son rein de rechange, celui du foie d'un foie dupliqué, etc. Mais là ne s'arrête pas le miracle annoncé du clonage thérapeutique. Au-delà des services rendus par les cellules embryonnaires, nous sommes désormais certains que la plupart des organes adultes sont eux aussi des réservoirs potentiels de cellules souches ! De là à prélever une cellule indifférenciée - de peau, par exemple - directement sur le malade, pour la faire repartir vers la fonction souhaitée, il n'y a donc qu'un pas. Encore faut-il les identifier, puis apprendre à les stimuler, pour qu'elles retrouvent la voie de la multiplication et fabriquent tout ou partie de nous-mêmes.»
Source :
TEXTE ÉTABLI PAR PATRICE DE MÉRITENS
Le Figaro Magazine
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