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Suisse : Médecine de pointe: ce «non» zurichois qui bouscule les Romands

"L'intransigeance de Zurich dans le partage des spécialités pourrait accélérer les concentrations hospitalières romandes".


«'Verena Diener joue un jeu dangereux, se montre offensante, en contre-pied total avec l'intérêt des patients.' Chef du service de chirurgie aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), Philippe Morel manque de mots pour qualifier le choix de la conseillère d'Etat zurichoise. Fâchées par le fait qu'elles devraient renoncer aux transplantations cardiaques, les autorités zurichoises ont refusé de ratifier une convention intercantonale qui devrait répartir les spécialités coûteuses entre les hôpitaux universitaires du pays, Bâle, Berne, Genève, Lausanne et Zurich. Aux HUG comme au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), la colère est grande, mais les responsables conviennent que les concentrations devront être accélérées".

"Petits neinsagers"

"Depuis 2004, les HUG et le CHUV se partagent les transplantations: cœur et poumons à Lausanne, foie et pancréas à Genève. Ce qui a fait grincer des dents au bout du Léman. 'J'ai vécu une compétition avec le CHUV. Mais nous sommes prêts à élaborer une bonne répartition des domaines en médecine de pointe', assure Philippe Morel, qui dirige le réseau romand des transplantations. A ses yeux, le refus zurichois 'aura peu d'impact sur la Suisse romande, pour autant que les conseillers d'Etat tiennent bon'. L'analyse des praticiens lémaniques est toutefois nuancée. Ils reconnaissent que le choix des transplantations cardiaques était une erreur tactique: 'Si les autorités résolvaient ce problème, elles pourraient débloquer la situation', estime Manuel Pascual, chef du service de transplantations du CHUV. Il ajoute que 'pour avoir des chances de succès, le projet de réseau de transplantations multisite – à l'échelle nationale –, élaboré par les cantons, devrait être approuvé par Berne'.

Pour le directeur du CHUV, Bernard Decrauzat, 'il n'y a pas de raison qu'une mésentente alémanique péjore les efforts romands'. Il en déduit surtout que 'nos collaborations doivent être renforcées. La Confédération n'a pas montré jusqu'ici une volonté farouche d'intervenir, mais on ne peut pas se reposer sur cet état de fait'. Son homologue Bernard Gruson, directeur des HUG, fustige les 'petits neinsagers' et précise: 'Ou nous agissons de manière concertée, ou c'est la Confédération qui réglera cette affaire, voire les assureurs par le biais des remboursements.' La semaine dernière, certains cantons ont évoqué l'idée d'une médiation, comprenant des représentants des autorités fédérales, afin de résoudre la question de la médecine de pointe. Faute de quoi, dès 2007, Berne pourrait imposer ses vues, ce qui n'enchante pas les directeurs d'hôpitaux.

De fait, les lémaniques n'ont guère de choix. La pression sur les coûts est croissante, 'l'argent ne coule plus à flot, même à Zurich', lance Manuel Pascual. De plus, le recrutement de spécialistes est toujours plus difficile. 'Dans les spécialités cliniques, la concurrence devient très forte en Europe. Il faut créer des centres attractifs et renoncer pour cela à une culture où l'on veut tout avoir à proximité', fait remarquer un connaisseur".

«L'impérialisme des EPF»

"La logique ne plaide-t-elle pas en faveur de deux pôles forts, Zurich et Lausanne, où seraient mêlés l'hôpital universitaire, la faculté de médecine et l'école polytechnique? Patrick Aebischer, le président de l'EPFL, en est convaincu: 'Du point de vue du patient, c'est la meilleure solution. On ne peut pas partager les compétences et les organes sur cinq sites, ce n'est pas cohérent et manque de masse critique. Nous avons besoin de rassembler la médecine, la technologie et les universités, qui renforcent la dimension psycho-sociale de la médecine.' Cela dit, Zurich et Lausanne pourraient former des têtes de ponts de réseaux locaux.

Une centralisation totale 'découle d'une analyse digne des Burgondes. Il est vrai que l'impérialisme des EPF nous est bien connu', grince Bernard Gruson. 'Pour les greffes pulmonaires, par exemple, personne n'a démontré que les regrouper à Zurich ou à Lausanne reviendrait moins cher', dit Manuel Pascual. Un spécialiste détaille: 'Prenez la chirurgie cardiaque pédiatrique, évoquée dans la convention. Vous ne pouvez pas tout mettre à Genève ou Zurich, cela pose des problèmes culturels.'"

«Une solution réaliste»

"Dans ce contexte, une idée évoquée naguère pour les facultés de médecine refait surface. Sous l'impulsion du secrétaire d'Etat Charles Kleiber, des experts avaient préconisé l'instauration de trois pôles: Bâle-Berne, Genève-Lausanne et Zurich. 'Une solution réaliste', juge Bernard Decrauzat. Relisant la liste des spécialités mentionnées par la convention contestée par Zurich – outre les transplantations, la neuroradiologie, la chirurgie de l'hypophyse, les grandes brûlures, etc. –, le directeur du CHUV estime que la moitié des domaines sont déjà répartis entre Lausanne et Genève. Selon Bernard Gruson, 'il faut un réseau multisites qui offre l'ensemble des prestations à la Suisse romande'. Il reconnaît que, 'pour des spécialités précises, lorsque les volumes ne le justifient pas, il est inutile de maintenir deux sites, un romand et un alémanique'.

Ces jours, les responsables dressent la liste des secteurs qui pourraient suivre la même voie que les transplantations. Pour Philippe Morel, 'il est important que les médecins proposent les répartitions. Sinon, les politiques mettront la pression et ce ne sera pas forcément dans l'intérêt du patient'. Mais les réticences demeurent nombreuses: 'Tout le monde n'y est pas acquis', concède Bernard Decrauzat. Pour les prochaines étapes, la neurochirurgie, la génétique, la chirurgie cardiovasculaire, l'urologie, la chimie clinique ou même le domaine de la robotique sont évoqués.

Une salle d'opération des HUG.Depuis 2004, Genève et Lausanne se partagent les transplantations d'organes en Suisse romande".

Source :
Article de Nicolas Dufour
LeTemps.ch

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