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Afrique : Manipulation génétique : Faut-il avoir peur du clonage humain ?

"Le philosophe français Michel Foucault, professeur au Collège de France, disait qu’un des phénomènes du XIX ème siècle a été la prise en compte de la vie par le pouvoir. Parlant d’une étatisation du biologique, il affirmait qu’il y a une modification du droit de souveraineté, dont le droit de vie et de mort était l’un des attributs fondamentaux.
Le droit de 'faire mourir ou laisser vivre' s’est vu remplacé par un droit ou plutôt un pouvoir, celui de 'faire vivre' et de 'laisser' mourir. Ce nouveau pouvoir qu’il a appelé biopouvoir, va désormais disait-il, avoir affaire à une notion nouvelle, qui est la notion de 'population', comme problème politique, économique et scientifique".


"Avec ce pouvoir de 'faire vivre et laisser mourir', il faudra modifier, baisser la morbidité, réguler la natalité, allonger la durée de la vie. Ce biopouvoir politique aurait alors comme exercice désormais, de bien faire vivre les gens et les faire vivre au moment même où ils devaient être biologiquement morts depuis longtemps.C’est l’enjeu de la médecine du XXI ème siècle.

Perpétuer la vie, maîtriser la mort, effleurer la vie éternelle, ce sont là les perspectives que tentent de nous offrir la thérapie génique, la thérapie cellulaire et pourquoi pas le clonage humain, sciences médicales en constant progrès qui nous font trébucher entre le possible et l’admissible. La recherche constante de méthodes thérapeutiques innovantes et efficaces, permettant de reculer continuellement l’échéance de la mort, va amener l’homme à franchir des frontières où la vie et la mort prennent désormais des contours de formes nouvelles. Le clonage humain frappe à la porte de l’humanité : que faire ?

Repousser l’échéance de la mort : de la greffe des organes à la greffe cellulaire

Les hommes vivent de plus en plus longtemps, notamment dans les pays développés par la combinaison de plusieurs facteurs que sont les performances des soins de santé, l’amélioration de l’alimentation et du cadre de vie. La médecine est toujours à la recherche de techniques thérapeutiques de plus en plus efficaces, permettant la prise en charge de pathologies qui étaient jusqu’ici, jugées incurables. Si on considère le corps humain comme une machine, la réparation des certaines pièces usées ou défectueuses n’est plus un rêve.

Les premières greffes d’organes datent d’une cinquantaine d’années. La greffe des organes est une technique est de plus en plus maîtrisée par des chirurgiens talentueux et sa limite est plutôt qu’il y a des difficultés à trouver des greffons pour faire face à la demande. Combien d’insuffisants rénaux ne sont-ils pas en attente d’un rein ? Cependant la greffe d’organes rencontre un handicap de taille : le rejet de la greffe à cause des problèmes immunologiques, c’est-à-dire l’incompatibilité biologique entre le greffon et l’organisme receveur, et cela malgré les progrès réalisés au niveau pharmaceutique avec la découverte de substances permettant d’atténuer les réactions immunologiques de l’organisme.

Alors la thérapie cellulaire et la thérapie génique ont été pensées comme des solutions alternatives à la greffe d’organes et comme meilleures approches pour le traitement de maladies d’origine génétique. Le corps humain est formé de plus de cent mille milliards de cellules.

La cellule représente l’unité de base de tous les êtres vivants et se compose de deux compartiments que sont le noyau et une substance gélatineuse dans laquelle il baigne : le cytoplasme. Le noyau contient une substance qui détient l’information héréditaire ; l’ADN (acide désoxyribonucléique). L’ADN est composée de plusieurs filaments que sont les chromosomes, eux- mêmes divisés en plusieurs segments que sont les gènes, unités fonctionnelles portant l’information nécessaire à la fabrication des protéines, constituants principaux des cellules, et donc de notre corps.

Ils sont ainsi notamment responsables de la fabrication des enzymes et des hormones comme l’insuline, nécessaires au fonctionnement de l’organisme. D’une façon générale, le gène peut se définir comme l’unité capable de transmettre un caractère biologique, par exemple la couleur des yeux. Cette information est transmise de génération en génération. On décrit l’ADN comme étant un livre dont les chapitres seraient les chromosomes, les gènes étant les mots.

L’ensemble des gènes constitue le génome. La thérapie génique peut se définir comme l’utilisation d’un gène en tant que médicament ou comme la correction d’un gène dont l’altération est responsable d’une maladie. En effet selon A.Kahn, les maladies peuvent être classées en trois grandes catégories : celles qui sont vraiment d’origine génétique, telle que l’hémophilie, la drépanocytose chez nous en Afrique celles qui sont non génétiques, accidentelles ou infectieuses et enfin, celles qui ne sont pas tout à fait génétiques, ni complètement indépendantes de l’influence du terrain génétique. Parmi lesquelles, le diabète, l’hypertension artérielle, l’athérosclérose et certains cancers.

L’idée de la thérapie génique est de corriger ou remplacer un gène anormal ou absent dès qu’une maladie est connue comme résultant d’un mauvais fonctionnement de ce gène ou de son absence. Des expérimentations concluantes ont été réalisées sur les animaux, mais les essais sur l’homme rencontrent de grandes difficultés, notamment l’apparition presque systématique de cancers provoqués par ces expériences. Par contre, l’utilisation du gène comme médicament a permis des avancées importantes en thérapeutique.

Ainsi le transfert du gène humain codant la fabrication de l’insuline, c’est-à- dire l’insertion de l’unité fonctionnelle responsable de la fabrication de l’insuline chez l’homme, dans l’ADN d’une bactérie appelée colibacille, a révolutionné la production de l’insuline, grâce à la fabrication d’insuline par ce colibacille. Et de nombreux vaccins sont aujourd’hui produits par cette technique de génie génétique.

Mais nous venons de le dire, le transfert chez l’homme, d’un gène pour corriger un gène défectueux ou remplacé un gène absent, n’a pas encore connu de résultats probants. Alors l’autre alternative comme moyen de réparation ou de régénération est la thérapie cellulaire, qui se définit comme étant la greffe des cellules. Il s’agit d’utiliser des cellules saines pour remplacer des cellules défectueuses ou inexistantes. Cette technique est déjà utilisée pour réaliser la greffe de peau chez les grands brûlés. Des cellules de peau normale sont cultivées jusqu’à obtenir par exemple un mètre carré de peau que l’on greffe sur la partie brûlée.

Des recherches sont également en cours qui visent à transplanter des cellules pancréatiques sécrétrices d’insuline chez des malades diabétiques. D’autres expériences consistent à greffer des cellules hépatiques dans le traitement de certaines maladies du foie. De même, théoriquement il est possible de traiter certaines formes de cancers par cette méthode. La greffe de moelle par l’utilisation de cellules souches hématopoïétiques, c’est-à-dire des cellules souches permettant la fabrication par l’organisme de toutes les cellules sanguines (globules blancs, globules rouges, plaquettes etc.) est pratiquée depuis longtemps.

La thérapie cellulaire constitue donc, un grand espoir pour la médecine régénératrice. Elle devra permettre de réparer et régénérer des organes défectueux, du fait du vieillissement ou de maladies. Mais l’obtention de cellules à greffer n’est pas chose facile et plusieurs solutions ont été pratiquées, notamment l’utilisation de cellules immatures de fœtus qu’on peut obtenir à la suite d’une interruption de grossesse. Cette option comporte évidemment des limites, en particulier au plan éthique, par le fait de coupler le besoin de thérapie à un avortement. En outre, il y a un second problème qui est le fait que ce mode d’obtention est aléatoire. C’est pourquoi les recherches se sont orientées vers les cellules souches embryonnaires qui présentent un potentiel idéal en matière de thérapie cellulaire.

A la recherche de cellules souches embryonnaires

Il a été récemment découvert que des cellules souches embryonnaires persistent chez l’adulte, pouvant se différencier en cellules de différents types. C’est une des voies d’obtention de cellules souches. Cependant la source d’approvisionnement la plus sûre reste l’embryon humain, que l’on obtient par suite d’une fécondation in vitro (FIV), ou par clonage humain. Les cellules souches embryonnaires peuvent être obtenues en effet à partir des embryons surnuméraires, dans le cadre de la procréation médicalement assistée par la méthode de la fécondation in vitro (FIV).

Ainsi dans le processus de mise en œuvre de cette méthode, plusieurs ovules sont fécondées et implantées dans l’utérus de la mère porteuse pour augmenter les chances de succès. Mais il reste toujours d’autres embryons non transférés, que l’on appelle embryons surnuméraires, qui sont conservés pendant un certain temps, puis détruits en général plus tard, lorsque le projet parental a abouti. Dans certains pays, ces embryons peuvent être utilisés à des fins de recherche ou à des fins thérapeutiques. Mais voyons d’abord quel est l’intérêt des cellules souches embryonnaires ? Et qu’est-ce qu’une cellule souche embryonnaire ?

L’embryogenèse humaine qui est le développement de l’œuf fécondé en être humain, commence environ 30 heures après la fécondation, par la formation d’une cellule unique. Celle-ci se divise en 2 cellules filles qui vont à leur tour se diviser pour donner 4 puis 8 puis 16 cellules etc. Jusqu’au stade de 8 cellules, elles sont indifférenciées et sont qualifiées de cellules totipotentes ('pouvant tout'), puisque chacune d’elle a la potentialité de donner naissance à un individu complet et viable.

Ces 8 cellules appelées blastomères, continuent normalement de se diviser si on les laisse ensemble pour donner forme à un individu. Il faut noter qu’on peut les séparer techniquement par scission embryonnaire pour donner 8 individus identiques génétiquement.

Par exemple de façon naturelle, les 'vrais jumeaux' sont le résultat d’une scission de l’embryon en deux, donnant naissance à des clones naturels. Après le stade de 8 cellules, les cellules vont perdre leur totipotentialité et commencer à se différencier. Entre le 5e et le 6e jour, l’embryon appelé blastocyste comprend entre 100 et 250 cellules réparties en masse cellulaire interne et en couche cellulaire externe. Les cellules de la masse cellulaire interne sont dites pluripotentes, parce que capables d’être les précurseurs de tous les types de cellules et de tissus du corps (os, peau, nerfs etc.). Autrement dit, elles sont capables de donner naissance à du sang, à du muscle et à toutes sortes de tissus et d’organes du corps humain.

Elles sont dites embryonnaires parce qu’on ne les trouve que chez l’embryon. Ces cellules souches embryonnaires, à cause de leur pluripotentialité, c’est-à-dire leur capacité à donner naissance à tous types de cellules du corps sont considérées comme des pièces de rechange, pour la réparation de tissus et organes défectueux (os, cellules sanguines, peau, etc.). On pourrait par exemple les cultiver et les transformer en cellules de muscle cardiaque pour être injectées chez un insuffisant cardiaque.

Ces cellules souches recèlent ce que le célèbre généticien, le Dr Axel Kahn, appelle 'le secret de la salamandre', c’est-à-dire cette capacité de réaliser la reconstruction de tissus, voire de parties d’organes, de se muer en de nombreux types cellulaires essentiels. Prenons le cas de la drépanocytose qui est une maladie d’origine génétique rencontrée en particulier en Afrique. C’est une maladie qui, héritée des deux parents donne très peu de chance à l’enfant porteur de l’anomalie génétique de vivre longtemps.

Elle est invalidante même lorsqu’on l’hérite chez un seul des parents. Elle est caractérisée par la production d’une hémoglobine anormale qui dans certaines conditions, entraîne une déformation des globules rouges qui s’agglutinent au niveau des vaisseaux en provoquant des réactions inflammatoires. La thérapie cellulaire pourra consister par exemple à l’injection de cellules souches embryonnaires sanguines, qui seront chargées de fabriquer des globules rouges normaux.

Plusieurs observateurs scientifiques affirment que le XX ème a été le siècle de la thérapie par les médicaments, le XXI ème siècle sera celui de la thérapie cellulaire. On voit donc tout l’intérêt des cellules souches embryonnaires, notamment leurs indications précises en matière de thérapie cellulaire. Mais on le voit aussi, il reste le problème de la disponibilité du tissu fœtale ainsi que la question de la compatibilité immunologique, puisque les cellules utilisées sont allogènes, c’est-à-dire qui proviennent d’un donneur différent du receveur. Voilà qu’en 1997, la solution-miracle apparaît.

Une équipe écossaise du Roslin Institute, dirigée par le Dr Ian Wilmut, annonça une grande découverte : la naissance de Dolly, une brebis obtenue par clonage à partir des cellules mammaires d’une autre brebis. La réussite du clonage chez un mammifère, technique jusque-là considérée comme irréalisable, résolvait du coup, les difficultés d’obtention de cellules souches embryonnaires. Elle résolvait également le problème de rejet immunitaire.

En effet, cette expérience démontrait qu’on pouvait obtenir des cellules embryonnaires à partir des propres cellules du corps du malade que l’on veut traiter par thérapie cellulaire, par la méthode de clonage par transfert de noyau. Mais cette percée biologique venait d’ouvrir aussi et surtout un nouvel horizon lourd de conséquences. Le clonage d’un être humain était désormais techniquement envisageable.

La polémique autour du clonage humain

La naissance de Dolly est un phénomène qui, tout de suite, va bouleverser les certitudes scientifiques, religieuses et ontologiques. La perspective d’utiliser cette technique, jusque-là jugée impossible chez les mammifères, devenait quelque chose envisageable chez l’homme. Elle pouvait servir à créer un humain moyennant quelques recherches complémentaires. Cette hypothèse a alors déclenché des questionnements nouveaux d’éthique et de droit portant sur la place et le rôle de l’homme dans la création, sur le statut moral de l’embryon, sur son humanité ou non, sur sa dignité ou non.

Si la technique venait à être maîtrisée, pour quelles raisons pourrait-on interdire ou autoriser la reproduction d’enfants par clonage ? De quel droit pourrait-on interdire à un couple stérile d’utiliser cette méthode ? De quelle manière un enfant mis au monde par clonage ressentirait-il la vie ? Est-ce un individu unique ou un prisonnier génétique ? Ces nouvelles interrogations ont donné naissance à des prises de positions opposant scientifiques et religieux, partisans du droit négatif et ceux du droit positif, philosophes conséquentialistes et tenants de la déontologie.

Mais qu’est-ce que le clonage ?

De manière générale, le clonage s’entend par l’obtention de copies de matériel biologique par diverses manipulations. Au niveau cellulaire, un clone est une colonie de cellules obtenues par division successives à partir d’une cellule-mère qui donne deux cellules filles qui se divisent, à leur tour, et ainsi de suite. Toutes les cellules possederont le même patrimoine génétique. De même, la duplication des êtres pluricellulaires est possible, notamment l’homme.

Théoriquement, chacun de nous peut se cloner. On parlera alors de clones, deux individus ayant un patrimoine génétique identique. Il existe deux modes de clonage : le clonage par transfert de noyau somatique et le clonage par scission embryonnaire encore appelée division de la masse cellulaire embryonnaire ou scission gémellaire. Le clonage par transfert de noyau consiste à prélever le noyau d’une cellule du corps de l’individu que l’on veut cloner et à le transférer dans l’ovule d’une femme qui est la mère donneuse. L’ovule de la mère donneuse est au préalable débarrassé de son noyau.

Le développement de cet œuf peut aboutir à un individu identique génétiquement au propriétaire du noyau transféré. Une autre technique consiste à fusionner la cellule du corps de l’individu que l’on veut cloner avec l’ovule dont le noyau a été enlevé. C’est la technique qui a été utilisée pour obtenir la brebis Dolly. Le clonage par scission embryonnaire quant à elle consiste à effectuer une séparation en deux parties d’une cellule embryonnaire au stade 4 ou 8 noyaux. On obtient plusieurs individus identiques génétiquement.

Le clonage peut être entrepris pour deux objectifs. Il peut s’agir d’un objectif scientifique, on parlera alors de clonage à visée scientifique abusivement appelé clonage thérapeutique. L’objectif de cette méthode n’est pas de donner naissance à un être humain, mais d’utiliser les cellules souches embryonnaires à des fins thérapeutiques ou de recherche. Le deuxième objectif vise à faire naître un individu ; il s’agit du clonage reproductif. Sur le plan éthique, les problèmes ne se posent pas de la même manière. Le clonage à visée scientifique est accepté dans plusieurs pays, alors que le clonage reproductif provoque le débat éthique le plus important.

Le débat éthique

De façon habituelle, l’évaluation éthique d’une action se fait selon deux approches : l’approche déontologique, c’est-à-dire à partir de normes préétablies ; il s’agit de savoir dans quelle mesure l’action à évaluer satisfait aux normes, aux obligations ou aux habitudes. L’autre mode d’évaluation est l’approche conséquentialiste qui s’intéresse aux effets produits par l’action notamment l’utilité ou non de l’action. Nous prendrons en exemples, les arguments pour ou contre le clonage reproductif qui reviennent fréquemment dans le débat éthique international.

Pour les déontologistes non partisans du clonage, le clonage humain :

1) porte atteinte au droit à la singularité ou à l’individualité, 2) porte atteinte à la dignité humaine,

3) est immorale parce que non naturelle,

4) porte atteinte à l’ordre divin.

Pour leurs contradicteurs, ces arguments ne sont pas fondés. Il font observer que les 'vrais jumeaux', malgré l’identité parfaite de leur patrimoine génétique, ont des caractères différents et qu’il est difficile d’éduquer deux jumeaux de la même manière. Par conséquent, la singularité ou l’individualité ne peut pas être touchée dans le clonage, chaque humain la possédant dès la naissance.

La faiblesse de l’argumentation liée à la dignité humaine est la difficulté de donner un sens à ce concept. En effet, il semble exister un courant majoritaire supportant la notion de dignité qui est défendue par le philosophe Emmanuel Kant. Kant a une conception de la dignité d’après laquelle aucun homme ne peut utiliser un autre être humain comme un moyen pour parvenir à ses fins.

Toute instrumentalisation de l’homme par l’homme viole la dignité qui l’habite. Pour les partisans du clonage, il n’ y a pas d’atteinte à la dignité humaine dans le sens kantien, puisqu’il n’ y a pas d’instrumentalisation de l’être qui va naître. On ne peut parler d’instrumentalisation que si l’on venait à cloner des êtres humains pour qu’ils remplissent certaines fonctions sociales. Ils font également remarquer que la reproduction asexuée est un mode qui existe déjà et qui est courant dans le monde animal.

Le clonage n’enfreint donc pas une loi naturelle. En outre, si on accepte que le clonage n’est pas une action naturelle du fait qu’elle a recours à des moyens artificiels, c’est aussi le cas pour l’anesthésie, la respiration artificielle ou la circulation sanguine extracorporelle. L’autorisation du clonage ne serait donc pas un précédent. Quant à l’argument qui dit que le clonage humain porte atteinte à l’ordre divin, les arguments contraires sont de plusieurs ordres. Pour certains, cet argument n’est acceptable que pour les personnes qui partagent la prémisse de l’existence d’un Dieu créateur. Pour d’autres, en admettant la prémisse de l’existence d’un Dieu créateur, si on se réfère au verset 27 du premier chapitre de la Genèse, où il est écrit que Dieu a créé l’homme à son image, il y a deux interprétations. Ainsi disent-ils, on peut comprendre que Dieu a placé l’homme au commencement comme gérant, veillant sur tout ce qu’il a crée dans sa gloire. Dans ce sens l’homme n’aurait pas le droit d’intervenir dans l’ 'ordre divin'. Mais on peut aussi comprendre selon eux, que Dieu a clairement donné à l’homme le mandat d’être un 'co-créateur', c’est-à-dire d’être à son tour actif et créatif. Dans ce cas, le pouvoir créateur de l’homme ne relève t-il pas de la volonté divine ? Pour les conséquentialistes non partisans du clonage, leurs craintes sont que le clonage d’un être humain va conduire à terme, à utiliser cette technique à des fins eugéniques, c’est-à-dire de sélection raciale, qu’il va entraîner l’éclatement des relations entre parents et enfants, qu’il y aura des problèmes psychiques entre le clone et son donneur, et que le clonage va réduire la diversité biologique. Mais d’autres conséquentialistes au contraire trouvent que le clonage a des avantages pour le diagnostic préimplantatoire, qu’il représente un grand avantage par rapport au problème de la stérilité, qu’il représente un risque moindre pour la femme qui décide de se faire implanter un embryon par rapport à la méthode classique de la FIV, et que le clonage constitue une grande avancée pour la transplantation de cellules, de tissus et d’organes. En attendant une position consensuelle sur le clonage humain qui ne peut plus trop tarder il faut admettre que les arguments pour ou contre ne manquent pas de pertinence.

La réponse du droit

La perspective du clonage a occasionné également un débat juridique et la question centrale est de savoir quelle est la protection à apporter à l’homme et quelle est la liberté à lui assurer. Dans l’option libérale où les critères normatifs premiers sont les droits et la liberté, le problème posé est de savoir si le clonage viole un droit ou entrave une liberté, et de déterminer les droits négatifs, c’est-à-dire ceux qui respectent les libertés individuelles de l’agent moral que chacun de nous peut être, et de ceux du patient moral qu’est l’embryon.. Les arguments qui justifient le 'droit au clonage' pour l’agent moral s’appuient sur des droits déjà reconnus tels que le 'droit à la liberté procréative' ou le 'droit à l’autonomie procréatrice', avec plusieurs déclinaisons, 'le droit d’avoir la maîtrise de sa propre destinée reproductive', le 'droit de fonder une famille' etc. Cependant il faut reconnaître que ce 'droit au clonage', pourrait être mieux accepté si l’on admet deux prémisses majeures, selon Simone Romagnoli. La première est de dire que le clonage reproductif se situe dans le prolongement des techniques de procréation médicalement assistée. La deuxième est d’admettre l’existence d’un lien fondamental entre l’impératif procréatif et l’impératif génétique, c’est-à-dire le fait non pas d’avoir des enfants mais d’avoir ses propres enfants.

Or ce sont deux prémisses discutables

En outre, aux droits de l’agent moral s’opposent ceux du patient moral, notamment le 'droit à la singularité ou l’individualité', le 'droit de ne pas se voir imposer délibérément un génome spécifique', le 'droit à être le produit du mélange des gènes de deux individus'. Le débat, on le voit, est loin de s’épuiser puisque certains ne reconnaissent pas à l’embryon la plénitude des droits que l’on accorde à toute personne dans la société.

Le statut de l’embryon

Le statut moral de l’embryon est la question angulaire des problèmes éthiques, que ce soit par rapport à la procréation médicalement assistée ou au clonage. Les avis sont totalement divergents entre les pays, ce qui n’a rien d’étonnant. Par contre, face à la réelle difficulté de trouver un consensus, il n’est pas rare de rencontrer des avis contradictoires dans un même pays. Par exemple, comment admettre la production et la destruction d’embryons surnuméraires dans le cadre de la procréation médicalement assistée et interdire l’utilisation de ces mêmes embryons à des fins de recherches qui ont pour but d’acquérir des connaissances qui seront utiles au plan médical.

La réalité est que jusque-là, il n’ y a pas une définition consensuelle de l’embryon, et il n’y a pas de réponse consensuelle pour qualifier l’embryon d’être humain ou non, ou pour dire si l’embryon possède une dignité ou non. Pour l’Eglise catholique, l’embryon humain est une personne humaine dès la fécondation. D’autres courants religieux donnent un repère de quarante jours. Pour certains courants de philosophie morale, l’embryon ne peut pas être considéré comme un être humain et n’a pas de dignité.

Entre les deux courants extrêmes de ceux qui nient toute vie humaine et toute personnalité humaine à l’embryon et ceux qui lui reconnaissent un droit de protection dès la conception, existe un courant intermédiaire utilitariste comme en Brande Bretagne où le statut humain de l’embryon est reconnu au quatorzième jour de la fécondation, stade qui correspond au moment où les organes commencent à se former et où l’embryon commence à être doté d’une sensibilité. Le statut moral que l’on donne à l’embryon dépend donc des sociétés, des traditions et des religions avec des conséquences sur la recherche bioclinique et sur la procréation médicalement assistée.

Pourquoi le clonage fait-il peur ?

La réponse à cette question se trouve peut être dans cette citation du philosophe américain Steven Best qui dit que : 'A une époque où la vie peut être créée et redessinée dans une boîte de Pétri (matériel de laboratoire servant à la culture des microorganismes et à la fécondation in vitro), et où les codes génétiques peuvent être édités comme un texte numérique, la distinction entre 'naturel' et 'artificiel' est devenue beaucoup plus complexe. Les nouvelles techniques de manipulation remettent en question les définitions existantes de la vie et de la mort, appellent à repenser les notions fondamentales d’éthique et les valeurs morales et posent des défis uniques pour la démocratie'. Le clonage est une aventure dont les contours technologiques, scientifiques et moraux ne sont pas encore bien définis.

Les projets scientifiques et médicaux qui sont en gestation, s’ils se réalisaient, vont entraîner des modifications importantes de l’avenir de l’humanité. La perspective de cloner un être humain suscite des sentiments de craintes et d’horreur et de dégoûts, d’autant plus que ni les religions révélées, ni les valeurs morales existantes jusque-là n’avaient prévu de manière explicite l’éventualité d’une entreprise humaine de ce type de projet, ni les recours normatifs possibles.

Où sont les refuges vers lesquels nous pouvons nous diriger ?

Notre monde est de plus en plus dominé par la culture occidentale qui tire ses fondements du judéo-christianisme, elle ne donne pas de réponse à ce qui est en train d’arriver et paradoxalement dans certains cas, on peut dire qu’elle a conduit à la sécularisation et à la désacralisation de l’univers. Malgré l’importance accordée à la notion de valeurs dans les discours, elles sont perpétuellement relativisées, dépréciées, aperçues comme versatiles et frivoles, tantôt utilisées pour justifier des actions inadmissibles.

Le clonage d’un être humain n’est plus dans le champ spéculatif, il est de plus en plus proche de la faisabilité même si des efforts scientifiques quant à la maîtrise parfaite de la technique restent à faire. En attendant, nous sommes dans le cycle des errements scientifiques qui vont mettre à rude épreuve nos valeurs morales et sociales.

En nous engageant dans le clonage de l’homme, il ne pourra pas être fait économie de création de monstres humains à cause des tâtonnements scientifiques inévitables avant une maîtrise parfaite de la technique. Au niveau des animaux, on dénombre aujourd’hui plus de 1200 animaux clonés. Mais combien de monstruosités n’ont-elles pas été créées ? Les animaux clonés souffrent d’un taux élevé d’infirmité et de malformations.

Des embryons de souris et de grenouilles sans têtes, des super souris géantes souffrant de tumeurs, des animaux souffrant de lésions d’organes internes, des animaux auxquels il manque des organes internes comme le foie, le cœur, les reins, des animaux qui naissent avec des malformations et des perturbations métaboliques et comportementales etc. Au nom de quoi, si de telles monstruosités se produisaient chez l’homme, pourrons-nous les accepter ? Aurons-nous le droit de les détruire ? Il faut surtout craindre pour les Africains, qui sont reconnus comme friands sans discernement des technologies occidentales. Il ne sera pas étonnant d’entendre quelqu’un dire fièrement dans les prochaines années : 'je suis allé me faire cloner ! '.

Une autre crainte surtout pour les pays pauvres comme en Afrique est liée au trafic d’ovules que le clonage va occasionner. En effet la technique du clonage est grande consommatrice d’ovules. Pour cloner la brebis Dolly, il a fallu entreprendre des expérimentations sur 277 ovules. Compte tenu de la nécessité de disposer d’un grand nombre d’ovules, la demande sera forte. Ce sera une aubaine pour certaines jeunes femmes vivant dans l’extrême pauvreté de trouver là une solution 'd’amélioration' de leurs conditions matérielles.

Faut-il avoir peur ou pas du clonage humain ne me semble plus la question. La technique sera tôt ou tard maîtrisée et interdire le clonage ne pourra empêcher que cela se fasse dans certains pays. Peut être ne faudra t-il pas se résoudre à accepter l’idée que le clonage humain ne créera aucune difficulté morale que la raison humaine ne soit capable de résoudre, comme le dit le Council for Secular Humanism. Ne faut-il pas accepter que l’homme soit un être qui change, et qui évolue en interaction avec les technologies ?

Ne faut-il pas accepter la théorie de la praxis de Marx et Engel qui veut que au fur et à mesure que nous changeons et remodelons le monde, nous nous changeons et nous transformons nous-mêmes ? Mais tous les changements sont-ils porteurs de bonheur pour l’humanité ? Tansgresser les limites naturelles ne nous mène-t-il pas sur des chemins vertigineux et dangereux ?

Il me semble que nous devons nous inspirer de cette réflexion de Mario Stasi, juriste, membre du Comité consultatif national d’éthique français : 'N’oublions jamais que notre science, notre savoir, notre compétence sont vains, de même que toute recherche visant à faire progresser la science, les savoirs et les compétences, si nous oublions leur finalité : l’homme à écouter, l’homme à comprendre, l’homme à soigner, l’homme à guérir, l’homme à respecter'. Il n’existe pas actuellement de théorie philosophique ou éthique capable de donner une solution universelle aux problèmes posés, mais nous devons aboutir à un consensus sur ce qui est acceptable et choisir entre le possible et l’admissible.

La communauté mondiale a, du reste, réagi, face à la mise en danger potentielle de l’identité humaine par l’élaboration au niveau de l’UNESCO, d’une Déclaration universelle sur le génome humain et les droits humains en 1997, et récemment d’une Déclaration universelle en matière de bioéthique et des droits humains en 2005. Ces déclarations mettent en avant l’idéal démocratique de dignité, d’égalité et de respect de la personne humaine, reconnaissent qu’il faut adopter une approche nouvelle de la responsabilité sociale pour faire en sorte que, dans la mesure du possible, le progrès scientifique et technologique aille dans le sens de la justice, de l’équité et de l’intérêt de l’humanité.

Il revient à chaque pays de savoir anticiper en maintenant la recherche biomédicale sur l’être humain dans des limites maîtrisables".

Source :
Dr Bindi Ouoba, Pharmacien, Comité d’éthique pour la recherche en santé
Unesco. Le clonage humain, questions éthiques, 2004
LeFaso.net

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