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"Carmat à coeur ouvert"


"Naissance d’une start-up ou comment l’aéronautique vient au secours de la médecine. Une ancienne division d’EADS a créé le premier coeur artificiel français. Elle vient de faire ses premiers pas en Bourse pour assurer son  financement.On connaît EADS pour ses avions, ses missiles, ses satellites et ses hélicoptères. Moins pour ses travaux sur le coeur artificiel… Pourtant, et aussi surprenant que cela paraisse, les problématiques sont identiques : un coeur artificiel est confronté aux mêmes contraintes d’espace, de masse, de consommation d’énergie et d’environnement que les composants à l’intérieur d’une fusée ou d’un satellite. 'Avec 45 millions de battements par an, un coeur artificiel a des exigences de fiabilité identiques à celles des éléments d’un satellite, dont la durée de vie est comprise entre dix et quinze ans. Le logiciel qui équipe le coeur artificiel ne peut pas plus se permettre d’avoir un bug, c’est la même chose que le système électronique d’un avion', rappelle Patrick Coulombier, directeur général adjoint de Carmat. Cette société était une division d’EADS ; elle a pris son indépendance en 2008, tout en gardant le consortium européen dans son capital.
Pour continuer à financer le développement de son projet, Carmat a fait appel à la Bourse, où la première cotation a eu lieu le 13 juillet. Avec succès, démontrant ainsi que les investisseurs, même en période boursière chahutée, ont à la fois du coeur… et du nez ! À l’origine de cette aventure aux confins du scientifique, du médical et du financier, il y a la détermination d’un homme, le professeur Alain Carpentier. Lauréat du prix Albert- Lasker de recherche médicale, il est mondialement connu pour ses travaux sur les valves cardiaques. Au nombre de quatre (mitrale, tricuspide, aortique et pulmonaire), elles empêchent le sang de refluer dans le mauvais sens ; or un certain nombre de maladies les détruisent. Dans les années 1970, les chirurgiens ont commencé à les remplacer par des substituts mécaniques, des anneaux munis de petits volets. Comme ils étaient faits de matières synthétiques, les patients devaient prendre des anticoagulants pour rendre le sang plus fluide et éviter les caillots. Les valves biologiques sont ensuite apparues. Fabriquées cette fois avec du péricarde d’origine animale (de porc puis de veau), elles ne pouvaient être utilisées telles quelles car le corps humain n’accepte pas les xénogreffes (transplantations entre espèces différentes). C’est là que le professeur Carpentier est intervenu : il a mis au point une technique qui conserve les caractéristiques d’hémocompatibilité mais qui rend les matériaux inertes en termes de rejet : le patient n’a pas besoin d’un traitement antirejet ou d’anticoagulants. Alain Carpentier s’est adressé à un industriel californien, Edwards. À ce jour, plus d’un million de patients sont équipés de valves Carpentier-Edwards.
En huit ans, le poids du coeur artificiel a été divisé par deux.
Si la médecine traite aujourd’hui bon nombre d’affections des valves par la prise de médicaments ou grâce à des opérations, il reste des cas – 33 pour cent des infarctus (cardiopathies ischémiques), 40 pour cent des maladies du muscle cardiaque (cardiopathies idiopathiques) et 6 pour cent des anomalies des valves (cardiopathies valvulaires) – où la transplantation est la seule solution. Quatre mille opérations de ce type sont pratiquées chaque année dans le monde avec une efficacité croissante : le taux de survie est de 50 pour cent neuf ans après l’opération. Mais il faudrait au moins 100 000 greffons chaque année pour traiter tous les patients. Ce manque d’organes engendre des coûts énormes car un patient éligible à la transplantation doit souvent faire des séjours dans des services de soins intensifs, où la journée est facturée 5 000 euros.
Aux États-Unis, le professeur Carpentier s’est donc intéressé aux différents travaux sur les coeurs artificiels; la première expérimentation animale a eu lieu en 1957 et humaine en 1962. Dans les années 1980, il y avait le projet Jarvik : placé dans la poitrine du patient, le CardioWest était relié par deux canules à un compresseur pneumatique. 'Ce dispositif était principalement utilisé dans l’attente d’une transplantation cardiaque et présentait deux inconvénients majeurs : le risque d’infection et un dispositif de commande externe volumineux', explique Patrick Coulombier. Le mouvement mécanique de ce coeur provoquait par ailleurs l’éclatement des globules rouges. En 1988, le professeur Carpentier dépose un brevet de coeur artificiel. 'Il s’est toutefois aperçu qu’il ne pourrait pas avancer tout seul sans l’aide du monde industriel', reconnaît Patrick Coulombier. En 1993, il réussit à convaincre Jean-Luc Lagardère, président de Matra, société qui donnera naissance à EADS, de lui apporter son aide pour créer une prothèse de coeur artificiel complet avec des ventricules, des actionneurs et une électronique embarquée. L’industriel demande alors à une équipe de Matra Défense d’assister le professeur : ils travailleront sur la modélisation, la mise en équations du comportement hémodynamique, les simulations et les bancs d’essai. En 2000, le premier prototype voit le jour. Il pèse 1 900 grammes et permet de valider le concept. Contrairement aux projets concurrents (AbioCor et MagScrew aux États-Unis et Rein Hart en Allemagne), il n’y a pas de problème d’hémo-compatibilité car les parties en contact avec le sang sont recouvertes du même matériau que celui utilisé sur les valves. Par ailleurs, et c’est là la grande nouveauté, le débit de ce coeur relié à deux batteries (leur autonomie est de six heures) s’adapte en temps réel aux besoins du patient.
Un an plus tard, le projet de coeur artificiel devient un programme officiel d’EADS : douze ingénieurs aux compétences complémentaires (conception de systèmes, matériaux biocompatibles, technologies embarquées) collaborent avec les équipes médicales du professeur Carpentier au laboratoire d’études des greffes et prothèses cardiaques de l’université Paris-VI et à l’Hôpital européen Georges-Pompidou. Cette même année, une transplantation cardiaque est effectuée avec succès sur un veau. Jusqu'en 2008, les équipes optimisent les caracteristiques du coeur artificiel : son poids tombe à 900 grammes : 'Il a exactement la même taille que celui d'un insuffisant cardiaque dont le muscle, moins efficace, prend du poids pour compenser, explique Patrick Coulombier. Il a un volume de 750 millilitres, contre 500 a 600 millilitres pour un coeur normal.' En 2008, les equipes d'EADS dediées au projet de coeur artificiel prennent leur autonomie et le groupement d'interêts économiques Carmat (CARpentier et MATra Defense) devient la societe Carmat. 'Plus on se rapproche de la commercialisation, plus il est necessaire d'avoir une image et des competences médicales. EADS est reconnu sur l'aéronautique, pas sur la santé', explique Patrick Coulombier. Les principaux actionnaires sont EADS (34,9 pour cent) et le professeur Alain Carpentier (19,3 pour cent). Le fonds de capital-risque Truffle Capital apporte 5 millions d'euros tandis qu'Oseo Innovation accorde 33 millions de subventions. Cette même année, l'Agence francaise de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) donne son accord pour la préparation à la validation technique. Les premiers essais humains seront conduits au second semestre 2011.

'Notre modèle économique est identique a celui de l'industrie aéronautique, rappelle Patrick Coulombier. Nous ne fabriquons pas les sous-ensembles, mais nous les assemblons.' Carmat travaille aujourd'hui avec une vingtaine de sous-traitants, certains spécialises dans l'aéronautique, d'autres dans le domaine médical. La societé espère commercialiser à terme 10 000 coeurs artificiels par an et le coût d'une transplantation ne devrait pas dépasser celui d'une greffe de coeur classique, soit environ 250.000 Euros."
Frédéric Paya, Economie


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