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Euthanasie : "Cela n'améliorera pas la qualité de vie du malade"

"Le professeur Louis Puybasset, chef du service de neuro-réanimation à l'hôpital de la Pitié Salpêtrière, réagit après l'annonce d'une expérience ayant permis à un patient dans un état végétatif de communiquer par la pensée."


"Que pensez-vous de cette expérience ?

D'un point de vue scientifique, cette étude est intéressante. Mais d'un point de vue clinique, je m'interroge : cette technique permet de dire si un patient parvient à répondre à des questions très simples par oui ou par non. Elle ne permet pas d'améliorer sa qualité de vie, de développer de lien relationnel. Quelle peut être l'utilité d'un tel examen dans la vie réelle ? La personne ne peut pas parler, ni se mouvoir, elle ne mange pas seule... En terme de qualité de vie, le constat reste catastrophique.

Comment cette expérience peut-elle influencer le débat sur l'arrêt des traitements, très sensible comme on l'a vu avec les cas de Terrry Schiavo aux Etats-Unis, ou d'Elena Englaro en Italie ?

Le risque, ce serait que l'on fasse passer l'examen à tous les patients concernés. Et que l'on arrête les traitements s'ils ne répondent pas aux questions. Pour les familles, ce serait une torture morale. En France, nous développons une autre vision : notre problème à nous n'est pas de savoir si le patient va pouvoir répondre à des questions simples après plusieurs années de coma. Mais bien de nous interroger sur sa qualité de vie future : cela vaut-il la peine de mettre en œuvre des soins très lourds en réanimation pendant des mois pour rester des années dans un état qu'on ne souhaiterait pas à son pire ennemi ? Personnellement, je ne le crois pas.

Alors que proposez-vous ?

Il faut tout faire pour ne pas mettre les gens dans cette situation, et donc éviter les états végétatifs prolongés. Au départ, c'est notre devoir de médecin de réanimer une personne après un accident, car on ne peut pas connaître le pronostic. Mais ensuite, dans les premières semaines après un traumatisme, c'est aussi notre devoir de déterminer le potentiel de récupération grâce à l'IRM. Pendant cette période, le patient a encore souvent besoin d'être ventilé. Un peu plus tard, il respirera seul. Pour moi, mieux vaut arrêter les traitements au stade de la ventilation plutôt que de voir des familles nous supplier d'arrêter dans un deuxième temps la nutrition et l'hydratation. Il faut donc développer des outils de prédiction, le plus en amont possible, pour ne pas « fabriquer » des situations intenables pour les familles. C'est ce que nous mettons en œuvre aujourd'hui.

Que pensez-vous de l'idée de demander directement au patient dans cet état végétatif de choisir ou pas l'arrêt des traitements ?

C'est une vision très 'autonomiste', selon laquelle il faudrait tout mettre en œuvre pour stimuler, développer une conscience afin de pouvoir demander au malade de choisir lui-même s'il souhaite être euthanasié. Je ne la partage pas car l’état de conscience dans lequel ces patients est 'limité' et ne permet pas de prendre des décisions d’une telle portée. Ce dont je suis sûr, c'est que plus on 'fabrique' des malades dans un état végétatif, plus on 'fabrique' des militants pour l'euthanasie. Il ne faut pas développer des soins sans savoir où l'on va. Cela peut obliger parfois à prendre une décision d'arrêt de traitement disproportionné avec la famille et les proches, ce qui est souvent difficile et prend plus de temps que de continuer les traitements sans réfléchir au pronostic.

Peut-on être certain que l'état d'un patient ne peut pas s'améliorer ?

Il y a toujours une part d'incertitude. Mais grâce aux techniques d'IRM, nous développons aujourd'hui des outils performants. Nous discutons en amont avec la famille : souhaite-t-elle que nous continuions la réanimation si leur proche a de grands risques de rester dépendant, sans possibilité de bouger, s’alimenter ou communiquer ? 99 pour cent des familles nous demandent de ne pas prolonger des traitements qu'elles jugent disproportionnés par rapport à la qualité de vie espérée."

Source :
LA VIE
Article de Claire Legros - publié le 08/02/2010
http://www.lavie.fr

3 commentaires:

Paul PIERRA a dit…

Le cas d'Hervé Pierra
Nous sommes les parents d’Hervé Pierra, resté huit ans et demi dans un coma végétatif chronique irréversible suite à une tentative de suicide par pendaison à l’âge de vingt ans. Dans les premiers temps, les IRM attestaient de lésions cérébrales profondes et irréversibles. Les médecins imageaient l’état de son cerveau en parlant d’un cerveau 'tout ratatiné'. Il était trachéotomisé et nourri par sonde gastrique, ses seules manifestations de vie étaient de très violentes et quotidiennes expectorations qui entrainaient souvent des régurgitations. Après la parution au journal officiel de la loi Léonetti, nous demandions son application au cas de notre fils. Ce fut un refus des médecins qui, après dix huit mois de combat et l’intervention des plus hautes instances, s’exécutèrent. Notre enfant est décédé en six jours cauchemardesques sans aucune sédation. Alors oui, professeur Puybasset, nous adhérons complètement à vos propos concernant les personnes en état végétatif chronique et sommes devenus des militants de l’euthanasie. Effectivement, professeur, il aurait mieux valu 'tout stopper', après le terrifiant diagnostique, mais, dans ce cas, cet acte n’aurait il pas été assimilé à une euthanasie ? C’est précisément ce point qui nous interpelle ! Nous entendons parfois avec stupeur des réflexions de personnes déclarant, qu’après tout, il n’est pas utile de légiférer sur l’euthanasie alors que cette pratique a toujours existé et dans tous les milieux hospitaliers. D’honorables citoyens légalistes considèrent qu’enfreindre la loi actuelle, dans la plus grande clandestinité, est normal. Hallucinant ! C’est hallucinant de vouloir accorder 'force de loi' à une transgression de la loi, au lieu de légiférer et d’instituer un cadre ne permettant aucun dérapage, aucune dérive, dans un sens ou dans un autre. D’autre part, dans la notion abstraite 'd’obstination déraisonnable', les patients et leurs familles, sont soumis à l’arbitraire du corps médical qui place le curseur de la raison où il veut. Le flou sur la durée de la sédation finale dans l’actuelle loi sur la fin de vie, conduit à d’interminables agonies comme celles du cas médiatisé de Patrick Koffel. Nous pensons que le délicat problème de la fin de vie n’est pas encore réglé et fera encore l’objet de drames médiatisés ou pas, car rien n’est plus insupportable que la souffrance inutile et le déni de 86 pour cent des français.

jacqueline salenson a dit…

je ne pourrais qu'approuver Paul Pierra et le remercier de son commentaire
oui, certes, des réanimations dangereuses pour ce qui restera de qualité de vie, des entretiens qu'un vie végétative au delà de l'espoir de récupération sont pour moi des fautes professionnelles qui devraient être sanctionnées
toutes ces décisions sont prises en équipe, et devraient donc respecter l'humain
oui, cette médecine qui se voudrait une science exacte, qui se voudrait supérieure aux lois de la nature et qui veut maintenir la vie dans n'importe quelle situation de "survie" et non de "vie humaine" concoure au discrédit du monde médical aux pouvoirs exacerbés sur notre vie, et aux demandes d'euthanasie, qu'il ne faudrait pas réduire à ces seuls cas
reconnaissons que certaines vies peuvent être raisonnablement ressenties comme indignes d'être vécues, par l'intéressé, et que, dans certains cas, la demande d'euthanasie perdurera, mais lorsque la législation est bien faite, les actes médicaux pratiqués en équipe, en respectatn les volontés de celui qui va mourir, il est vrai que les demandes d'euthanasie sont assez marginales, mais s'il n'y en avait qu'une, pourquoi l'interdire? autant pour le demandeur qui souffre une torture morale d'un refus justifié par un point de vue extérieur (ne parlons pas des cas guérissables qu'on s'empressera de guérir, ou même des cas qu'on peut sérieusement amélioré: on verra si la demande persiste après amélioration), par un manque de respect, que pour le médecin qui accepte de le faire, qui ne doit en aucun cas être considéré comme un criminel

Ethics, Health and Death 2.0 a dit…

Bonjour,
Grand merci pour ces commentaires.