"La réanimation, spécialité médicale née à la fin des années 1950, a permis l’amélioration du pronostic d’affections jusqu’alors rapidement mortelles comme les états de choc, les comas, les défaillances cardiaque, rénale ou hépatique et les grandes perturbations métaboliques. Grâce à la ventilation artificielle, à l’hémodialyse et aux assistances circulatoire et hépatique, il est devenu possible de faire survivre un patient de façon prolongée jusqu'à la guérison de la maladie causale. Ces résultats ont fait naître l’idée que tout patient devait pouvoir accéder à cette spécialité et, qu’en vertu du principe de justice, il ne pouvait s’instaurer de discrimination basée sur autre chose que des considérations purement médicales. Mais de façon concomitante, il apparut que la réanimation créait également des situations jusqu’alors inconnues comme l’acharnement thérapeutique, l’état végétatif persistant ou bien encore la dépendance définitive à une suppléance instrumentale d’organe. Pour tenter de limiter au maximum ces situations qui soulèvent de réelles questions éthiques, les conditions d’admission en réanimation et les critères d’arrêt de traitement ont été précisés. En France officiellement, l’âge du patient ne fait pas partie de ces critères. En pratique le constat est bien différent. Plusieurs études montrent en effet que la facilité avec laquelle un patient est accepté en réanimation dépend en partie de son âge. Il existe de ce fait une discrimination s’appuyant sur une donnée d’état civil qui prive un groupe de citoyens d’un recours possible à toutes les techniques de réanimation quand bien même elles seraient médicalement justifiées. Les raisons de cette restriction implicite ne sont pas clairement énoncées, mais la priorité donnée aux personnes plus jeunes, le manque de lits disponibles et les aspects économiques semblent y tenir une place importante. Le principe de justice et le respect égal que la collectivité doit à tous ses membres, vont à l’opposé de cette discrimination, affirmant que l’accès aux soins, dans une société solidaire, doit uniquement être défini sur des critères médicaux. Ceci voudrait dire alors que toute personne, quel que soit son âge, doit pouvoir être admise en réanimation pour y bénéficier, si nécessaire, de techniques instrumentales lourdes dès lors que l’indication médicale est reconnue. Mais cette attitude qui consisterait à ne pas tenir compte de l’âge, signifierait que celui-ci n’influence pas l’aptitude du sujet à supporter les techniques instrumentales de réanimation, qu’il n’a pas d'effet sur les succès attendus ni sur la convalescence ou la récupération ultérieure. Or ceci est faux et il est démontré au contraire que l’âge est bien un critère péjoratif au regard des données précédentes. Il est alors légitime de se demander si l’on rend service aux personnes âgées en considérant, au nom de l’équité, que l’âge ne doit pas être un critère pour justifier le refus d’admission en réanimation. La justice et la bienfaisance pourraient consister au contraire, loin de tout 'âgisme', à tenir compte de l’âge dans les critères de mise en œuvre de techniques lourdes, car bien souvent, au-delà de leur initiale efficacité, elles se révèlent finalement néfastes et malfaisantes."
Michel Hasselmann, Professeur des Universités - Praticien Hospitalier, Chef de service de Réanimation Médicale aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg (NHC), président de l’ERERAL (Espace de Réflexion Ethique Région Alsace).
And in English…
"Ageing and accessing intensive care: ICU as a paradigm
Intensive care appeared at the end of the 50's. It has improved the prognosis of affections that were beforehand quickly lethal, such as shock, coma, cardiac, renal or hepatic failure and severe metabolic disorders. Thanks to artificial ventilation, hemodialysis, mechanical circulatory and hepatic support, it has become possible to keep a patient alive for a prolonged time, until the causative disease is healed. This has brought up the idea that every patient should have access to intensive care and that, according to a principle of justice, there could not be any discrimination based on anything else than pure medical considerations.
But at the same time, it appeared that intensive care implies previously unknown situations, such as aggressive therapy, persistent vegetative state or absolute dependence towards mechanical organ support.
In an attempt to minimise these situations, which raise ethical issues, criteria for hospitalisation in ICU and for stopping treatments have been specified. Officially, in France, the patient's age is not one of those criteria. But in fact, things go very differently. Several studies show that age comes into consideration at the time of accepting a patient on an ICU ward. Thus, discrimination exists, not based on a medical criterion, that excludes a group of citizens from accessing intensive techniques of resuscitation, even when they would be medically justified.
Reasons for this implicit restriction are not clearly expressed, but a real priority is given to younger patients. Economical issues and lack for available beds represent an important part in those choices. The principle of justice and the fair respect that is due to all the members of a community are totally against this discrimination, as they state that access to medical care, in an interdependent society, has to be defined solely on medical criteria. But, this would then imply that anybody, regardless of age, should be admitted in ICU to benefit from intensive technical support, every time there is such a medical indication.
This attitude, which would ignore the age of the patient, would imply that age has no influence on the ability of the patient to endure heavy technical support, that it has no effect neither on the expected success of the treatments, nor on convalescence or further recovery. However, there is evidence that on the contrary, age is a pejorative factor in the light of those. It is then legitimate to wonder whether it serves the elderly when we consider that, in the name of equality, age should not be a criterion to justify a refusal for ICU admission.
Far from any ageism, justice and benevolence could consist in including age in the criteria to decide the use of intensive techniques, which often, beyond their initial efficiency, show to be deleterious for the elderly."
Translated from French by Caroline HASSELMANN
Source :
Lettre N°29 du CEERE Strasbourg Avril 2010 - April 2010 News
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