LE POINT, "A votre santé", Anne JEANBLANC
"Initiée dès les années 1950 pour les maladies incurables du rein, la transplantation d'organes peut être considérée à bien des égards comme la plus grande avancée thérapeutique de la fin du XXe siècle. Après des décennies pendant lesquelles les chirurgiens se sont heurtés aux problèmes de rejet des organes reconnus comme étrangers par le système immunitaire, la transplantation sauve aujourd'hui de plus en plus de vies. 'Mais elle met en jeu une nouvelle ressource sociale, le greffon', écrit dans son dernier livre Philippe Steiner*, professeur de sociologie à la Sorbonne. 'Cette ressource étant essentiellement produite par la mort, c'est la mort elle-même qui est ainsi devenue une ressource et qu'il a fallu optimiser en commençant par la redéfinir légalement comme mort encéphalique.'
La technique des greffes place le monde médical et celui social devant un fait complexe : le malade ne reçoit pas seulement le secours de professionnels de la santé, aidés des moyens proposés par l'industrie (autant pharmaceutique que celle qui fabrique toutes sortes de prothèses). La transplantation suppose que des organes passent d'un corps à un autre, en général d'un individu décédé à un malade, parfois à l'article de la mort. C'est d'ailleurs pourquoi, dès les années 1960, cette pratique a fait l'objet d'intenses débats. 'Pour transplanter, insiste le sociologue, il faut le plus souvent décider de la mort de la personne prélevée tant que ses organes conservent leur capacité de régénérer la vie.'
Le commerce social entre les êtres humains qu'engendre la transplantation d'organes a déjà entraîné le passage de deux frontières qui semblaient jusqu'ici ne pas devoir être franchies et, surtout, pas simultanément, estime l'auteur : celle entre la vie et la mort ainsi que celle de la peau. Elle suggère maintenant d'en traverser une troisième, celle du marché. 'Ce qui pose la question des frontières politiques dans le monde globalisé qu'est le nôtre.' Philippe Steiner rappelle que l'Iran a déjà légalisé le commerce marchand d'organes et que la Chine exporte des greffons prélevés sur les condamnés à mort exécutés. Il se pose donc la question de notre humanité."
* "La Transplantation d'organes. Un commerce nouveau entre les êtres humains", Nrf éditions Gallimard, 342 pages, 24,90 euros
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