"La question de la promotion du don d’organes est devenue récurrente. Elle fait parfois tellement pression qu’elle en culpabilise les destinataires des campagnes d’opinion. Et pourtant, comme le précisent les auteurs de ce livre, les choses ne sont pas si simples. Il ne suffit pas d’informer pour que suivent dans la pratique les actes de ceux et celles dont on s’est pourtant donné la peine de vérifier qu’ils avaient compris les données d’une question (fumer c’est dangereux ; donner un organe pour une vie, etc.)
Faut-il alors – si l’information rationnelle est nécessaire mais non suffisante – faire appel aux affects, aux émotions ? C’est à cette question que s’est consacrée une recherche organisée à Genève dans le cadre du CETEL (Centre d’étude, de technique et d’évaluation législative) de la faculté de droit et du CISA (Centre interfacultaire en sciences affectives) de l’Université de Genève. Le programme portait sur le rôle des émotions et avait deux volets : le droit comme produit émotionnel (en témoigne la montée en force de la 'victime' en droit pénal) et d’autre part, ce qui a fait l’objet d’un colloque et occupe le présent ouvrage : les émotions comme 'moyens de régulation des comportements sociaux'.
Au fond la présente contribution se situe au croisement du droit, des sciences affectives et de la médecine. Et c’est ce qui fait tout son intérêt. L’on mesure ainsi que toutes les communications ne sont pas du même ordre. Et pour mieux le comprendre, les auteurs, en particulier F. Girandola et R.V. Joule mettent en évidence de rôle du maillon intermédiaire, à savoir l’acte de décision dans une 'décision librement consentie'. A partir d’analyses de pratiques, ils soulignent le rôle capital de ce qu’ils appellent 'le principe du pied-dans-la-porte' voire du 'double pied-dans-la-porte' : cela revient à demande peu avant de demander davantage, en somme à préparer la décision que l’on attend de l’autre, avec des petits 'riens', comme une petite enquête, coller des dépliants … Cet acte préparatoire doit avoir un coût, mais ne pas être lié à une compensation financière. Il doit conférer au final à la cible un rôle d’acteur tout en s’appuyant sur les qualités intérieures du sujet de qui l’on veut obtenir quelque chose. Et il est vrai qu’appliquer cela au don d’organes, augmente singulièrement le nombre de dons ! L’exemple du don de cornées est particulièrement évocateur : une communication engageante !
Impossible de reprendre toutes les contributions (17 auteurs !) de l’ouvrage extrêmement riche : à chaque pas, l’on mesure combien les émotions sont un nœud central de la question des transplantations : les médias l’ont d’ailleurs bien compris (cf. article de R. Hammer épluchant la presse écrite). La seconde partie de l’ouvrage est sans doute plus juridique, analysant le système suisse de transplantation, et les modèles possibles, avant une table ronde finale, à la fois politique, médical, juridique et éthique, confrontant à la légitimité de la promotion du don d’organes avec la question d’une 'efficacité à tout prix'.
On ne sera que recommander cet ouvrage à tous les coordinateurs du don d’organes mais aussi plus largement à tous ceux qui s’intéressent à la communication en vue d’un résultat pratique. D’autant que chaque chapitre est suivi d’une abondante bibliographique qui permet de continuer ce travail."
Centre Européen d'Enseignement et de Recherche en Ethique
ETHIQUE ALSACE
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1 commentaire:
Colloque suisse sur la manipulation de l'affect pour promouvoir les transplantations ...
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