"Hospitalisée à Lyon, la femme de 38 ans qui a subi à la fin du mois de novembre la première greffe partielle de visage jamais réalisée au monde devait recevoir, jeudi 8 décembre, une deuxième greffe de cellules souches de moelle osseuse. Celles-ci proviennent de la femme en état de mort cérébrale chez qui on avait prélevé une partie du visage. Congelées par les spécialistes du service d'hématologie clinique de l'hôpital Edouard-Herriot de Lyon, dirigé par le professeur Mauricette Michallet, ces cellules ont fait l'objet, quatre jours après l'intervention, d'une première injection par voie intraveineuse profonde dans l'organisme de la femme greffée. Aucune autre injection n'est prévue après celle qui sera faite jeudi.
Cette technique peut surprendre".
"Pourquoi en effet procéder à l'administration d'un matériel biologique étranger dans un organisme qui vient de recevoir un greffon de tissus composites et qui, de ce fait, subit un lourd traitement immunosuppresseur pour éviter tout rejet ? Cette pratique apparemment paradoxale résulte d'une étonnante série d'observations effectuées à l'occasion de différentes greffes d'organes, et notamment lors des greffes de main pratiquées en 1998 et en 2000 à Lyon par l'équipe du professeur Jean-Michel Dubernard.
'Depuis le début des années 1950, période à laquelle les chirurgiens se sont lancés dans l'aventure des greffes, la principale difficulté à vaincre a été de nature immunitaire. Il faut à tout prix obtenir que l'organisme greffé tolère le greffon. De ce point de vue, la mise au point des premiers médicaments antisuppresseurs a permis de faire des progrès considérables, explique le professeur Dubernard, qui coordonne le traitement antirejet de la jeune femme greffée. La tolérance totale est le Graal des transplanteurs, et l'une des pistes suivies ici est celle de l'obtention de phénomènes de microchimérisme. En greffant des cellules souches de moelle osseuse, nous postulions que celles-ci allaient pouvoir, via leur passage dans le thymus de la personne greffée, générer des lignées de lymphocytes du donneur, ces cellules du système immunitaire qui induisent, du fait de leur présence, une tolérance vis-à-vis du greffon.'
Outre-Atlantique, l'expérience avait été tentée dans plusieurs dizaines de cas de greffe de reins prélevés sur des cadavres ou chez des donneurs vivants mais aussi dans celui de greffes de foie et de pancréas. Aucune conclusion définitive ne put toutefois être tirée de l'efficacité de cette pratique en matière d'obtention d'une tolérance vis-à-vis du greffon. Dans le cas des greffes de main, l'administration de cellules souches hématopoïétiques devenait superflue dans la mesure où ces cellules sont naturellement présentes au sein de certains des os de cette région anatomique.
'C'est dans ce contexte que j'ai, avec le professeur Xavier Martin, lancé un programme de greffes de main en postulant que, loin de nuire au malade, la présence de ces cellules allait augmenter les chances de réussite, explique le professeur Dubernard. Nous avons alors observé avec une grande satisfaction que les premières greffes donnaient des résultats remarquables avec de simples petits phénomènes de rejet, rapidement maîtrisés, trois ou quatre mois après l'intervention. Mais force fut aussi de reconnaître, non sans surprise, que nous n'avons pas retrouvé de lymphocytes du donneur dans le sang circulant du receveur. Les mêmes résultats ont depuis été observés par les équipes étrangères avec lesquelles nous travaillons en collaboration.'
Comment comprendre que l'hypothèse de départ ne puisse être validée alors même que l'objectif visé est obtenu ? M. Dubernard confie avoir fait ainsi une découverte qui fera prochainement l'objet d'une publication scientifique dans une revue spécialisée. 'Nous avons pu mettre en évidence l'apparition, plus de deux ans après la greffe, dans la peau du greffon, de lymphocytes du receveur qui ne peuvent pas reconnaître les antigènes du donneur, explique-t-il. Nous les appelons les lymphocytes T régulateurs. En d'autres termes, nous n'induisons pas le microchimérisme auquel nous pensions initialement, mais nous obtenons, grâce aux cellules souches hématopoïétiques, un mécanisme de régulation immunitaire qui doit trouver son origine non pas au niveau du thymus mais à celui des ganglions lymphatiques de la région concernée. Il s'agit là d'un phénomène impressionnant qui aide sans aucun doute à la tolérance partielle du greffon.'
C'est pour obtenir le même résultat que l'équipe médicale lyonnaise a décidé d'avoir recours avec sa nouvelle patiente à la greffe de moelle osseuse en administrant au total 50 millions de cellules souches et en espérant que ces dernières ne déclencheront pas de réactions immunitaires négatives chez la receveuse. Les médecins sont toutefois confiants. Ces réactions dites 'du greffon contre l'hôte' n'ont jamais été observées lors des précédentes greffes d'organes associées à l'usage de ces cellules".
Source :
Le Monde Sciences
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