Merci de ne PAS poster de messages concernant la vente d'un organe et comportant des coordonnées téléphoniques, e-mail, etc. La loi française interdit la vente d'organes.

CHU d'Amiens : Allogreffe partielle de face (nez - lèvres - menton)

"A l'image des gueules cassées de la Grande Guerre qui hante encore nos mémoires, succèdent les défigurations contemporaines des accidents domestiques et des traumatismes balistiques. Les immenses progrès des techniques de microchirurgie reconstructrice n'ont malheureusement pas permis, en dépit d'autotransplantations plus ou moins élaborées, de redonner à ces patients, sauf exception, figure humaine.

L'énorme pas en avant réalisé par la greffe de la main il y a sept ans, a conforté le monde de la chirurgie maxillofaciale et réparatrice dans l'idée que, dans certaines conditions, l'extrapolation à la face d'une telle technique était envisageable. C'est ainsi que, ailleurs et dans un cadre différent, la question de la « greffe de visage » a été posée au Comité Consultatif National d'Ethique, lequel en a accepté le principe dès lors qu'elle était limitée à l'unité morphologique et fonctionnelle labio-narinaire".

"L'accident d'une jeune femme de 38 ans, amputée des lèvres, du nez et du menton à la suite d'une morsure animale, a été tout naturellement le point de départ de l'allogreffe partielle de face qui a été effectuée ce dimanche 27 novembre.

La patiente
Il s'agit d'une femme de 38 ans, mère de deux enfants, gravement mutilée par son chien en mai 2005. Cette morsure a entraîné la perte complète des lèvres, du menton et de la pointe du nez avec des conséquences fonctionnelles importantes.

Cette femme, très motivée et déterminée, a été totalement informée du choix thérapeutique, du déroulement de l'intervention, des suites opératoires et du traitement anti-rejet. Elle a bien compris les risques inhérents à l'acte chirurgical et au traitement immunosuppresseur. Totalement impliquée dans les soins, tant somatiques que psychologiques, elle a pu, au fil des mois, se faire à l'idée d'un recours au transplant. Ce cheminement, effectué au sein d'une équipe multidisciplinaire n'a jamais remis en cause sa conviction. Elle a accepté d'être traitée et suivie par les deux équipes d'Amiens et de Lyon pendant plusieurs années, tant sur le plan médical que psychologique.

Aspect éthique et scientifique

La volonté d'utiliser l'allogreffe de tissu composite (triangle nez - menton - lèvres), afin de reconstituer le visage de cette patiente défigurée, s'est imposée d'emblée à l'équipe chirurgicale comme étant le moyen le plus approprié. Cette opinion fut rapidement confortée par l'avis sollicité de plusieurs experts. Compte tenu du type de lésion faciale, aucune chirurgie réparatrice classique par auto-transplantation de tissu n'était à même de transformer son état et seule une allogreffe partielle de face pouvait permettre de réduire
son handicap.

Le projet a donc réuni l'équipe de chirurgie maxillo-faciale et d'anesthésiologie du CHU d'Amiens, où l'intervention a été réalisée, sous la responsabilité du Professeur Bernard DEVAUCHELLE et du Professeur Sylvie TESTELIN, avec l'aide du Professeur LENGELE des cliniques Universitaires Saint-Luc de Bruxelles

L'équipe de chirurgie de la transplantation sous la responsabilité du Professeur Jean-Michel DUBERNARD à l'Hôpital Edouard Herriot de Lyon a choisi, mis en oeuvre, et assuré le suivi du traitement immunosuppresseur.

Au-delà, des spécialistes de psychiatrie et de psychologie, de dermato-anatomopathologie, de neuroscience, d'imagerie, d'hématologie, de néphrologie appartenant aux deux CHU ont réuni leurs compétences. Le partenariat s'est étendu aux personnels soignants et de rééducation.
Les équipes de transplantation ont décidé d'associer au traitement immunosuppresseur une greffe de moelle osseuse du donneur susceptible de faciliter la prévention du rejet.

Conformément à l'avis du Comité Consultatif National d'Ethique, le projet a été soumis à l'expertise de l'AFSSAPS et a fait l'objet de plusieurs étapes d'élaboration avant d'en recevoir l'aval. Ce projet a également été soumis à l'avis de l'Espace Ethique du CHU d'Amiens et du Comité Consultatif de Protection des Personnes dans la Recherche Biomédicale (CCPPRB) local.

Le partenariat avec l'Agence de la biomédecine a permis la mise en veille des équipes de coordination de prélèvements.

La convergence des opinions émises par les structures éthiques institutionnelles et la mobilisation de l'ensemble des acteurs (patient, médecins, scientifiques, soignants, administratifs...) en ont permis la mise en oeuvre.

Déroulement de l'intervention

Prélèvements auprès du donneur

Dans des conditions d'anesthésie générale ont d'abord été prélevées (équipe d'hématologie de Lyon) des cellules de moelle osseuse au niveau du bassin de la donneuse, de manière à prévoir des infusions ultérieures après conditionnement à l'Hôpital Edouard Herriot de Lyon de cellules souche de moelle. Puis, et après trachéotomie, l'opération a consisté à délimiter les zones faciales à prélever (triangle menton, lèvres et pointe du nez). La dissection a été effectuée de manière chirurgicale, de façon à emporter en plus du revêtement cutané des structures musculaires, cartilagineuses, vasculaires et nerveuses nécessaires à la restitution de la motricité et de la sensibilité. C'est ainsi qu'ont été disséquées les branches vasculaires faciales (artères et veines), les branches nerveuses sensitives (V2 etV3), enfin les branches motrices, branches distales du nerf facial.

Pour préserver l'aspect physique du donneur et pour respecter sa dignité, la restitution de son visage a été réalisée par les prothésistes maxillofaciaux, grâce à des techniques de moulage réalisé avant le prélèvement de manière à restaurer la zone prélevée à l'identique. Forme, couleur et consistance des tissus ont été ainsi respectées grâce à l'usage de techniques d'apposition de silicone coloré. Ces étapes premières de prélèvement n'ont en rien remis en cause, chez cette donneuse multiorganes, le prélèvement des autres organes vitaux initialement prévus pour d'autres transplantations.

Opération du receveur

L'intervention s'est déroulée sous anesthésie générale le dimanche 27 novembre, elle a duré 15 heures. Dans un premier temps, l'intervention a consisté à préparer les berges de la perte de substance, disséquer minutieusement les différents plans constitués par les muscles et les nerfs faciaux, repérer les vaisseaux et ceci avant l'arrivée du transplant. Ainsi, dès l'arrivée du greffon, la circulation sanguine a pu être rétablie en suturant sous microscope artère et veine faciales de la patiente à celles du transplant, et ce à droite et à gauche. Ainsi revascularisé, le greffon a repris vitalité et aspect normal. Puis, chacun des éléments musculaires et nerveux repéré a été soigneusement suturé avec son homologue sur la patiente. Enfin, le plan muqueux a été reconstitué, recréant l'étanchéité de la cavité buccale et de la cavité nasale. C'est tout à la fin que les tissus dermiques ont été reconstitués depuis le menton jusqu'à la racine du nez en adaptant la forme en fonction des contraintes esthétiques.

Tous ces gestes chirurgicaux ont été réalisés par l'équipe de chirurgie maxillofaciale du CHU d'Amiens. Huit chirurgiens se sont relayés entre donneur, préparation du greffon et reconstruction.

Le traitement

Le traitement immunosuppresseur s'est inspiré de celui utilisé dans les allogreffes de mains, il associe :

- Sérum AntiLymphocytes (un agent d'immunosuppression biologique produit à Lyon)
- Tacrolimus (une molécule issue de la recherche japonaise)
- Mycophenolate Mofetil (une molécule issue de la recherche américaine)
- Corticoïdes

La greffe de cellules de moelle osseuse effectuée au quatrième et onzième jour devrait permettre de diminuer les réactions entre le transplant et l'hôte. La moelle osseuse a été prélevée chez le donneur, conditionnée et congelée par le service d'hématologie clinique du Pr Michallet (hôpital Edouard Herriot) avant d'être infusée au receveur.

Le traitement immunosuppresseur sera allégé progressivement et maintenu à vie. En cas de rejet, les doses de ces médicaments seront adaptées.

Des explorations ultrasonores, des mesures thermographiques et des prélèvements de peau pour examen au microscope devraient permettre de déceler précocement le rejet cutané et de prescrire le traitement adapté.

La rééducation sera entreprise très précocement après l'intervention, rééducation spécifique à la charge des kinésithérapeutes habitués à la chirurgie faciale et des orthophonistes, permettant de recouvrer au plus vite l'élocution et toutes les fonctions labiales.

Le soutien psychologique, assuré régulièrement depuis l'accident sera indispensable en post-opératoire immédiat et à très long terme.
Le résultat fonctionnel de la reconstruction sera évalué dans les 12 à 18 mois, après que la régénération nerveuse soit obtenue.

L'équipe
L'équipe qui a réalisé cette transplantation du triangle nez-lèvres-menton était composée d'environ 50 personnes associant chirurgiens, anesthésistes, infirmières de bloc opératoire, infirmières anesthésistes et prothésistes sous la responsabilité du Professeur DEVAUCHELLE du service de chirurgie maxillo-faciale du Centre Hospitalier Universitaire d'Amiens. Cette équipe a été renforcée par le Professeur LENGELE des
Cliniques Universitaires Saint-Luc de Bruxelles.

En post-opératoire, la patiente a été prise en charge dans le service de chirurgie de la transplantation du CHU de Lyon (Professeur Xavier MARTIN) sous la responsabilité du Professeur Jean-Michel DUBERNARD pour la mise en route et le suivi du traitement immunosuppresseur et sa surveillance, en collaboration avec le Professeur MICHALLET (Hématologie) et son équipe, ainsi que de nombreux autres spécialistes à la fois psychiatres, phoniatres, hématologistes et chercheurs....

AMIENS
Bernard DEVAUCHELLE
Coordinateur
Ghassan BITAR, chirurgien
Anne-Sophie BRACQ-DORNER,
anesthésiste
Kamel CHEBOUBI, anesthésiste
Sophie CREMADES, psychiatre
Stéphanie DAKPE, chirurgien
Cédric d'HAUTHUILLE, chirurgien
Giovanni de MARCO,neuroscience
Benjamin GUICHARD, chirurgien
Christophe MOURE, chirurgien
Farid TAHA, chirurgien
Sylvie TESTELIN, chirurgien
Jean TCHAOUSSOFF, coordination
hospitalière, anesthésiste réanimateur
Gérard VILAIN, anesthésiste

BRUXELLES UCL
Benoit LENGELE, chirurgien

LYON
Jean-Michel DUBERNARD
Coordinateur
Daniele BACHMANN, psychiatrie
Lionel BADET, transplantologie
Jean-Luc BEZIAT, chirurgien maxillo-f
Frédéric BRUN, coordination hospitalièr
Gabriel BURLOUX, psychiatrie
Assia EL JAAFARI, immunologie
Olivier HEQUET, thérapie cellulaire
Jean KANITAKIS, dermatologie
Nicole LEFRANCOIS, transplantologie
Xavier MARTIN, transplantologie
Mauricette MICHALLET, hématologie
Denise MONGIN-LONG, Anesthésie
Réanimation
Emmanuel MORELON, transplantologie
Palmina PETRUZZO, transplantologie
Angela SIRIGU, neuroscience

Des aspects éthiques, médicaux et psychologiques rassurants pour la première allogreffe partielle de la face (nez-lèvres-menton)

Dans le cadre de la mise en place de la première allogreffe partielle de la face (nez-lèvresmenton), l'Agence de la biomédecine s'est assurée que toutes les expertises médicales, éthiques et psychologiques ont bien été menées dans un souci constant de respect du donneur et de ses proches, et de suivi du receveur.

L'allogreffe partielle de la face (nez-lèvres-menton) rendue possible après l'expertise de plusieurs instances

L'Agence de la biomédecine a été saisie en juin 2005 d'une demande à caractère urgent formulée par l'équipe chirurgicale du CHU d'Amiens visant à réaliser une allogreffe partielle de la face (nez-lèvres-menton) pour une patiente de 38 ans, dont le bas du visage avait été arraché par un chien. En plus d'un important préjudice esthétique, cette lésion est surtout responsable, d'une part, d'une incontinence buccale rendant quasi impossible une alimentation orale naturelle et, d'autre part, d'un trouble majeur de l'élocution. En cours d'élaboration du protocole, l'équipe chirurgicale d'Amiens a établi une collaboration avec
l'équipe de Jean-Michel Dubernard (HCL), ayant acquis une compétence inégalée dans le domaine des allogreffes de tissus composites.

L'Agence de la biomédecine avait déjà été interrogée, il y a un an et demi, par une autre équipe de chirurgie plastique (Pr Lantieri, Hôpital Henri Mondor de Créteil), sur un projet de greffe de l'ensemble des tissus de la face pour des patients victimes de traumatismes d'origine balistique. A la demande de l'Agence, l'équipe avait saisi de ce projet le Comité consultatif national d'éthique qui a rendu un avis le 6 février 2004. Il concluait en admettant qu'une allogreffe partielle de la face reconstituant le triangle bouche nez était possible mais devait faire l'objet d'un protocole précis 'soumis pour accord à
l'Etablissement français des Greffes ou à d'autres instances ayant les mêmes attributions'.

Il faut souligner le caractère particulier du protocole de l'allogreffe partielle de la face (nez-lèvres-menton) : il ne concerne qu'une seule patiente (et non un groupe de patients) dont la blessure, fortement invalidante, affecte certaines fonctions (alimentation et élocution). L'indication posée, une morsure récente non encore totalement cicatrisée, s'inscrit dans un contexte d'urgence : plus la cicatrisation de la patiente est avancée, plus la greffe est rendue difficile. Il s'agit donc d'une première chirurgicale, non envisagée dans le cadre d'un essai clinique, relevant de l'urgence thérapeutique.

Assimilées à des greffes d'organes, les greffes de tissus composites relèvent de l'Agence de la biomédecine qui doit réguler ce type de prélèvement et attribuer le greffon. Pour garantir le meilleur niveau d'expertise du dossier présenté par les médecins et les chirurgiens, l'Agence de la biomédecine a conseillé aux équipes concernées de saisir l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé qui a réuni un groupe d'experts. Ce groupe a rendu un avis sous réserve de compléments concernant, en particulier, la prise en charge et l'information de la patiente. L'Agence de la biomédecine a veillé à ce que ces recommandations soient prises en compte dans le protocole élaboré par les équipes.

Enfin, le protocole a également été soumis à l'avis du Comité consultatif de protection des personnes dans la recherche biomédicale de Picardie (CCPPRB) qui a émis un avis favorable sous réserve de modifications concernant l'information et le consentement de la patiente, apportées par les équipes.

L'Agence de la biomédecine s'est assurée que le prélèvement partiel de tissus de la face n'empêchait pas le prélèvement multi-organes.

Les équipes chirurgicales ont été particulièrement attentives à proposer un protocole n'empêchant en rien le déroulement normal d'un prélèvement multi-organes. En effet, un greffon est un bien précieux que l'on ne peut accepter de perdre car sa perte peut entraîner le décès d'un receveur. Actuellement, malgré la progression régulière de l'activité de prélèvement et de greffe en France, la situation de pénurie d'organes persiste. L'ensemble des équipes médicales sont mobilisées continuellement pour permettre à toujours plus de
patients d'accéder au bénéfice de la greffe.

L'Agence de la biomédecine s'est assurée de l'existence d'un dispositif satisfaisant de reconstruction faciale du donneur

L'Agence de la biomédecine a veillé à ce que le dispositif prévu pour ce prélèvement particulier garantisse le respect du corps du défunt et s'acquitte de l'obligation de restauration du corps telle que l'exige la loi. L'expérience de prothésistes maxillo-faciaux est sollicitée pour fabriquer, pendant la durée du prélèvement, une prothèse faciale reproduisant très exactement le volume des tissus de la face prélevés, par moulage préalable. L'équipe médicale a présenté une reconstruction expérimentale convaincante. Le corps du défunt est donc traité avec le respect qui lui est dû.

L'Agence de la biomédecine s'est assurée qu'un suivi psychologique du receveur et des proches du donneur était prévu par les équipes

Toutes les dispositions ont été prises pour que la patiente soit informée très clairement et très complètement de l'intervention chirurgicale, des risques et des contraintes qu'elle engendre, en particulier sur le plan immunologique avec notamment la prise d'un traitement immunosuppresseur à vie. Un suivi psychologique post-opératoire et de longue durée est prévu. La patiente a donné un consentement libre et éclairé pour ce protocole d'allogreffe partielle de la face.

De la même façon, l'Agence s'est assurée qu'un suivi psychologique des proches du donneur pouvait être réalisé si ceux-ci le désiraient. Les proches, s'ils désirent être accompagnés dans leur démarche de deuil, peuvent contacter le médecin coordonnateur ou l'infirmière coordinatrice.

Des équipes médicales volontaires pour le prélèvement partiel de tissus de la face

L'Agence de la biomédecine est responsable de l'encadrement et de la coordination des activités de prélèvement et de greffe. Elle a donc pour tâche de faciliter la réalisation de cette greffe en mobilisant certaines des équipes médicales en charge de l'activité de prélèvement.

Toutes les équipes sont particulièrement attentives au soin avec lequel est mené l'entretien avec les proches. Le contexte très difficile de l'annonce de la mort encéphalique, état dans lequel le coeur continue à battre artificiellement alors que la personne est décédée, rend parfois délicate la question du don d'organes. La compétence et l'expérience des coordinations hospitalières sont pleinement sollicitées car les qualités d'accueil et d'écoute sont essentielles. Les équipes cherchent en effet à accompagner de la meilleure façon possible la souffrance des proches brutalement endeuillés. Cet encadrement psychologique et moral fait l'objet de formations spécifiques organisées par l'Agence.

Afin de rendre possible le prélèvement partiel de tissus de la face et consciente de la singularité de l'entretien à avoir avec les proches, l'Agence de la biomédecine s'est appuyée sur des équipes de prélèvement volontaires pour la recherche de ce type de greffon et fortement motivées par le bénéfice pour la patiente".

Pour en savoir plus
http://www.chu-amiens.fr/docu/dossierdepresse.pdf

Source :
La Tribune

Aucun commentaire: