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Qu'est ce qu'une biobanque ?

"À l'occasion de la lecture d'articles relatifs à la recherche clinique - celle qui permet, à terme, la mise au point d'un traitement nouveau - un mot apparaît de plus en plus souvent de manière associée : biobanque. Si la banque évoque une réalité bien précise, le néologisme qui lui associe le préfixe bio- garde quant à lui un halo de mystère. Si l'on substitue au terme sa dénomination franco-française de tumorothèque, on comprend déjà un peu mieux: il semble s'agir d'une étrange collection de tumeurs ..."

"C'est pourtant bien de cela dont il est question. L'objet n'est évidemment pas de s'offrir un hobby d'un genre nouveau dans le registre du 'gore' ou du mauvais goût, mais bien de mettre au service de la recherche et du développement biomédical un outil dont elle a incontestablement besoin.

A priori et dans son acception la plus large, une biobanque n'est autre qu'une collection de 'matériel' vivant ou dérivé. Le matériel en question peut être fait d'insectes ou de champignons au même titre que de sérum ou d'ADN humain, par exemple. Afin d'éviter qu'on ne mélange ce qui n'a pas réellement de rapport, les Français, principalement, ont prévu des termes qui permettent de catégoriser ces 'collections' d'un genre un peu particulier.

Ainsi évoque-t-on aujourd'hui les Centres de ressources biologiques (ou Crb) pour les structures qui organisent et détiennent des répertoires d''organismes', quelle que soit leur nature ou leur origine, qu'il s'agisse de virus ou de bactéries, de cellules végétales, animales ou humaines, mais aussi d'éléments de ces dernières telles que de l'ADN, de l'ARN ou toute autre partie. Dans ce contexte, les tumorothèques - donc des Crb - sont réservées à la seule 'collection' de tissus tumoraux humains et de substances ou produits associés. C'est de ces structures-là dont il est question ici.

Toute tumorothèque - appelons-la biobanque pour reprendre l'appellation belge visiblement trop peu précise - est donc un outil offert à la recherche scientifique et, au-delà, à la recherche et développement en matière médicale et pharmaceutique.

Ce genre d'outil n'est pas neuf et existe même depuis longtemps. Tous les travaux exploratoires opérés sur des pathologies ont généralement été possibles parce qu'avait été réalisée, en amont, une collection d'éléments caractéristiques des maladies étudiées. C'est vrai pour le cancer du sein ou du foie, entre autres, pour des états inflammatoires intestinaux ou des insuffisances rénales, mais aussi, bien entendu, pour tous les autres états pathologiques. Il existe donc - ou il a existé - de tels répertoires dans de nombreux centres de recherche, le plus souvent universitaires.

À première vue, cela pourrait suffire et permettre de ne pas remettre en œuvre aujourd'hui de nouvelles structures offrant le même service. En réalité, ce n'est pas le cas et pour quatre raisons au moins.

La première tient au fait - pas toujours respecté dans le passé - que tout prélèvement opéré chez des patients doit répondre à des règles d'éthique strictes qui imposent, notamment, l'anonymat. On va y revenir. On ne conçoit pas non plus ne pas demander au patient l'autorisation de disposer à des fins de recherche d'un peu de lui-même, fût-ce d'un élément dont il est par ailleurs bien content de se défaire. Cet 'abandon' doit du reste faire l'objet d'un consentement éclairé et signé.

La seconde raison est que les méthodes exploratoires évoluent; si jadis, l'anatomopathologie suffisait à caractériser une tumeur, on sait qu'aujourd'hui la génétique au sens le plus large s'en mêle, mettant en œuvre les méthodes de biologie moléculaire pour l'identification des gènes et surtout de leurs mutations, mais aussi des transcrits - les ARN, par conséquent, qui sont les traductions fugaces des gènes - et les protéines élaborées, dont l'étude constitue aujourd'hui la protéomique. On ne conçoit donc plus une biobanque sans tenir compte de ces paramètres nouveaux, ni même de ceux dont on pressent l'importance demain ; sans tenir compte non plus des techniques les plus affûtées pour autoriser une récolte optimale des renseignements les plus divers.

Un troisième élément tient au fait que tout prélèvement (tissu, sérum sanguin ou autre) a un volume fini et que par conséquent son exploitation à des fins de recherche n'est pas éternelle. Enfin, nombre de biobanques constituées sur base d'une pathologie en particulier ont souvent été 'construites' patiemment et au prix d'efforts parfois importants par des chercheurs qui se sont impliqués dans leur élaboration. Tous ne souhaitent pas forcément mettre cette manne potentielle d'informations à la disposition de collègues éventuellement concurrents. Par ailleurs, il ne faut pas oublier non plus que les études biomédicales sont généralement financées - en particulier par des firmes pharmaceutiques - et que certaines d'entre elles aboutissent au dépôt de brevets.

Pour toutes ces raisons, mais aussi parce que la recherche biomédicale est de plus en plus précise et complexe, des biobanques répondant aux exigences les plus contemporaines apparaissent nécessaires dans un contexte de qualification aussi précis que possible des états pathologiques.

Aujourd'hui, on ne peut plus imaginer disposer librement d'un fragment tissulaire, ou tout autre 'extrait' d'un être humain, sans demander au préalable l'autorisation du donneur, aussi involontaire que celui-ci puisse être éventuellement. Qu'un tissu malade prélevé en cours d'une intervention chirurgicale soit soumis à un examen exploratoire pour en définir le profil anatomopathologique et préciser le pronostic est une chose ; conserver un morceau du même tissu pour en faire un outil de recherche en est une autre.

Il est donc indispensable au regard des règles actuelles d'éthique biomédicale, d'avertir tout patient candidat à une intervention de l'usage que l'on pourrait être amené à faire d'une partie des prélèvements effectués. À cette fin, le patient rencontre une personne - généralement un médecin ou un biologiste impliqué dans le projet 'biobanque' - qui lui remet un document explicatif et répond de vive voix aux éventuelles interrogations. Si le patient marque son accord - ce qui est le plus souvent le cas -, il signe un consentement 'éclairé' qui est précieusement archivé.

Tissus et prélèvements
Il apprend également que son nom n'apparaîtra plus par la suite, au-delà de l'examen de diagnostic de sa propre maladie. Le prélèvement conservé ne sera plus accompagné que d'un numéro de code. Le donneur apprend par la même occasion qu'un refus de sa part ne changera évidemment rien au traitement qu'il va recevoir. A contrario et du fait de l'anonymat, il ne pourra pas bénéficier automatiquement plus tard d'un éventuel traitement nouveau mis au point pour traiter la pathologie dont il est atteint et qui a justifié l'intervention. Cela ne l'empêche évidemment pas - si son mal est récurrent, par exemple - de bénéficier dudit traitement s'il continue à consulter un spécialiste au courant des thérapies les plus récentes.

Les méthodes actuelles qui permettent de caractériser une pathologie ne se limitent plus aux traditionnelles méthodes descriptives, aussi affûtées soient-elles. On évoque aujourd'hui le gène, les anticorps et autres protéines associées ainsi que les transcrits (ARN),comme on l'a évoqué. Cela impose de préciser des protocoles de mise en œuvre précis pour ne perdre aucune des informations qui pourraient y être associées.

Ainsi, on sait que les ARN, 'retranscriptions' fugaces des gènes, ont une vie courte - généralement quelques minutes à une demi-heure - et qu'ils ne sont pas conservés après un contact avec un liquide fixateur. Il faut par conséquent isoler très rapidement un fragment du tissu dont on pratique l'exérèse, vérifier qu'il présente bien les caractéristiques de la pathologie recherchée et le congeler après lui avoir donné un numéro de code. Le reste du tissu prélevé peut quant à lui être placé dans le liquide fixateur prévu pour lui assurer une bonne conservation jusqu'à l'examen de laboratoire. Il va de soi également qu'au titre d'une indispensable comparaison, les pathologistes souhaitent disposer d'un peu de tissu sain en bordure de la tumeur prélevée afin de mettre en évidence les nécessaires différences structurelles.

Du sang, mais aussi des urines, des expectorations ou tout autre exsudat peut être requis pour préciser un diagnostic, ou y rechercher des marqueurs divers (voir l'article intitulé D'intimes sentinelles dans Athena n° 217, pp. 231-234) dont l'identification apparaît pertinente dans le cadre de la pathologie explorée. Il faut, pour ces éléments-là aussi, rechercher les meilleures conditions de conservation, mais aussi de prélèvement. Il est notamment nécessaire d'en assurer la récolte avant toute prémédication préalable à une intervention.

Pour le patient, le traitement suit son cours : il est opéré et une partie de la tumeur prélevée est acheminée vers le laboratoire chargé de définir les différents paramètres de la pathologie en usant de tous les moyens exploratoires les plus récents et les plus pertinents. Quant aux autres prélèvements effectués, rendus anonymes par l'apposition d'un code, ils font l'objet d'une caractérisation, d'un conditionnement nécessaire (fragmentation, centrifugation, séparation du sérum et du caillot, etc.) puis d'un stockage au froid généralement profond - au congélateur à -80 °C ou dans l'azote liquide à -196 °C selon nécessité. Ils sont dès lors prêts à être mis à la disposition de chercheurs qui les réclament.

Un maximum de garantie
On aura compris qu'une biobanque n'entre dans le registre professionnel que d'une catégorie réduite d'individus. Le scientifique confronté à la recherche de signes spécifiques à une pathologie - des biomarqueurs - est préférentiellement concerné. Cela peut également être le cas d'une société qui, entrée dans le domaine du développement biopharmaceutique des marqueurs identifiés, cherche à les retrouver dans des sécrétions et fragments tissulaires associés à la pathologie concernée; un moyen pour elle de commercialiser ensuite - si la recherche est concluante - un kit d'identification à caractère diagnostique. De façon tout à fait analogue, on comprend enfin qu'une société pharmaceutique, engagée dans l'identification des modes d'action et de l'efficacité spécifique d'une molécule nouvelle, cherche à en retrouver les traces dans toute une série de tumeurs cibles, en liaison avec les effecteurs sur lesquels cette molécule est censée agir.

Évidemment, il va de soi qu'une biobanque ne peut détenir en grand nombre des 'tumeurs' relatives à toutes les pathologies connues. Le point de départ tient le plus souvent à une demande spécifique pour un type de maladie en particulier. Il faut bien entendu qu'une structure - le plus souvent, c'est un laboratoire - soit désireuse d'initier cette démarche conservatoire. Il est ensuite nécessaire qu'un ou plusieurs services hospitaliers de chirurgie s'impliquent et acceptent de respecter un modus operandi très précis qui leur est proposé et à l'élaboration duquel ils ont évidemment participé. Il faut enfin que plusieurs règles soient respectées qui offrent un maximum de garanties à tous les niveaux : pour les 'donneurs' et leur anonymat, pour les demandeurs, pour les prélèvements eux-mêmes qui doivent être conservés dans les conditions optimales et pour un public intéressé enfin qui doit, au bénéfice de règles de conduite connues, percevoir tous les signes d'une gestion transparente.

Plusieurs conditions préalables semblent donc s'imposer :

- le laboratoire qui met en œuvre la biobanque doit disposer d'un know how et de moyens - financiers, techniques et en personnel - suffisants pour assurer la mise en œuvre et la gestion - sur le long terme - d'une structure telle que celle-là

- il doit pouvoir assurer une expertise au moins suffisante pour qualifier les tissus (et autres prélèvements associés) sur les plans de l'anatomopathologie et de la génétique au sens le plus large. Une sous-traitance n'est évidemment pas impossible à ce niveau

- il doit également pouvoir s'associer un ou plusieurs services de chirurgie dans lesquels les prélèvements seront effectués en conditions optimales

- il doit disposer d'une gestion idéalement calquée sur les règles de l'Iso 9001 ou 15189 qui autorisent un haut degré de transparence et de traçabilité

- il doit enfin se prévaloir de règles d'éthique particulièrement strictes qui permettent une gestion idéalement sans reproche.

Il va de soi que s'il réunit tous ces critères et qu'il manifeste surtout un intérêt pour ce type d'activité, le laboratoire concerné risque d'être sollicité de façon récurrente pour assurer un 'approvisionnement' en tumeurs de différents types. Petit à petit, il sera donc appelé à détenir des tissus et sécrétions associées correspondant à un éventail croissant de pathologies."

Questions / réponses
N'importe qui peut créer une biobanque ? Est-ce rentable ?
"À ma connaissance et pour le moment, il n'y a pas de législation pour encadrer ce type d'activités et n'importe qui, en effet, pourrait initier une biobanque de ce type. Vous aurez néanmoins compris qu'il paraît difficile de faire de cette activité un 'commerce'; tout au plus couvre-t-on les frais de fonctionnement. À cet égard, il faut bien savoir que les crédits à la recherche ou les moyens propres aux laboratoires qui hébergent de telles structures sont les seules ressources qui permettent la viabilité financière de l'activité."
Pourtant il y a des sociétés commerciales qui gèrent les banques de cellules de cordon ?
"Ah ! mais ce n'est pas la même chose ! Il s'agit dans ce cas de cellules susceptibles d'être greffées ultérieurement à titre thérapeutique. En l'occurrence, des sociétés ont en effet trouvé judicieux de proposer à des parents de conserver - moyennant finance, évidemment et pendant un temps fixé - les cellules du cordon ombilical de leur nouveau-né, des cellules normalement destinées à être éliminées. Or, il s'agit de 'cellules souches' qui pourraient ultérieurement être valorisées en cas de maladie et, en particulier, en cas de leucémie chez l'enfant. L'avantage est qu'il s'agirait d'autogreffes et qu'il n'y aurait par conséquent pas de risque de rejet. La presse a évoqué le cas d'une société de ce type qui veut s'implanter sur le territoire belge. Sans entrer dans la problématique, on peut se rendre compte qu'établir une opération commerciale sur un tel terrain pose des problèmes éthiques.

Il existe une autre structure qui gère également des cellules à réimplanter : c'est la Croix-Rouge. Dans son cas, la finalité est connue, la gratuité est de mise et il n'y a pas, comme on le sait, d'intéressement commercial ! Pour être encore plus complet, il existe des textes législatifs en cours d'élaboration dans ce domaine suite, notamment, à une directive européenne récente qui réglemente le 'don, l'obtention et le contrôle de tissus et de cellules d'origine humaine'. On ne peut donc plus faire n'importe quoi en la matière !"

Pourquoi faut-il demander la permission au patient d'utiliser la tumeur qu'on lui retire ? Il doit être bien content qu'on l'enlève, non ?
"Il n'y a aucun doute là-dessus. Mais tissu tumoral ou non, c'est une partie de lui-même qui lui appartient. Dans le cadre du diagnostic médical, on ne demande pas d'avis ni de consentement éclairé ; on considère que le fait d'accepter l'intervention chirurgicale constitue un accord tacite d'utilisation du tissu prélevé ensuite pour effectuer un examen approfondi au bénéfice, d'ailleurs, du patient lui-même. Dans le cas qui nous occupe ici, le tissu prélevé a une autre destination qui échappe directement au 'bien du patient'. On peut imaginer que l'examen effectué va, à terme, permettre une 'découverte' qui contribuera au bien collectif. On ne peut non plus exclure qu'il y aura, en bout de course, la mise sur le marché d'un traitement - pharmacologique ou non - qui sera pour une société source de rentrées financières. Il est donc important, pour ne pas être aux prises avec le nœud gordien de droits de participation divers, que les 'donneurs' cèdent, sans recours, les éventuels 'droits' sur le petit morceau d'eux-mêmes dont ils ont momentanément autorisé la conservation."

Tout ce qui est conservé est utilisé ?
"Difficile à dire. Chaque biobanque - il n'y en a forcément pas beaucoup - a son propre mode de fonctionnement et répond essentiellement aux demandes qui lui sont formulées. Le but n'est évidemment pas de thésauriser les prélèvements, mais de les mettre autant que possible à la disposition des chercheurs. Comme on l'a évoqué d'entrée, tout prélèvement a aussi un volume fini ; si on peut imaginer le découper en fragments pour contenter plusieurs chercheurs, il faut bien se rendre compte qu'après plusieurs sollicitations, il n'en reste rien. Il est donc nécessaire de rechercher en permanence de nouveaux cas pour renouveler le potentiel d'analyse et répondre à des demandes nouvelles."

Ne serait-il pas plus facile que les biobanques se spécialisent ?
"Tout à fait et c'est effectivement ce qui se passe dans la réalité. Puisque des services de chirurgie sont nécessairement impliqués dans le processus et que la chirurgie est elle-même spécialisée (digestive, osseuse, etc.), on peut très bien imaginer que la biobanque associée sera obligatoirement spécialisée également dans le type de tissu prélevé. Au chercheur en attente d'un type de tumeur particulier à frapper à la bonne porte. Par ailleurs, cela n'empêche pas non plus - l'idée est dans l'air - que les biobanques s'organisent entre elles en réseau pour mettre en commun, sur un mode informatique au moins, leurs acquis. La recherche biomédicale n'aura qu'à s'en féliciter !"

Jean-Michel DEBRY - debry@yucom.be

Pour en savoir plus
"La revue médecine/science a édité un numéro spécial (repris dans son volume 22 et daté de janvier 2006) consacré à la problématique des tumorothèques.

Journal Officiel de l'Union européenne du 9 février 2006. Directive 2006/17/CE de la Commission du 8 février 2006.

Tumorothèques. Présentation PowerPoint des rôles et de l'utilité d'une tumorothèque. Langue: français. http://digbig.com/4hmcc

Bio Banks and Patient Material. Article dressant la liste des principaux problèmes éthiques liés aux biobanques. Langue: anglais. http://digbig.com/4hmcd

Réflexion sur les biobanques. Gen Suisse a organisé une journée de réflexion sur les biobanques. Plusieurs documents sont disponibles en ligne. Langue: français.http://digbig.com/4hmce

Biobanks and Public Health Genomics. Ce document - format Pdf, 47 pages - étudie le problème spécifique des biobanques dans neuf pays européens et explique les différents types de biobanques. Langue: anglais.http://digbig.com/4hmcg

Les biobanques destinées à la recherche. Le Conseil national d'éthique allemand publie un rapport extrêmement fouillé - format Pdf, 61 pages - sur tous les aspects éthiques des biobanques. Langue: français.http://digbig.com/4hmch

EuroBioBank est un réseau de biobanques européennes fournissant du matériel biologique humain (ADN, tissus, cellules) pour les recherches sur les maladies rares. Langue: anglais.http://digbig.com/4hmcj"

Source :
http://www.aresa.be

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